lundi 9 septembre 2024

Dans la rue, un peuple de gauche révolté par la nomination de Barnier


 À l’appel des syndicats étudiants, le peuple de gauche était présent en masse partout en France pour manifester contre le coup de force d'Emmanuel Macron deux mois après les élections législatives. À l’initiative des Insoumis, un mot d’ordre résonnait : celui de la destitution du président.

Pour cette rentrée des classes, ils n’avaient nullement l’intention de jouer les bons élèves. Surtout pas après la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre, au détriment de Lucie Castets. Dans une ambiance bon enfant, 300 000 personnes partout en France (selon les organisateurs) ont répondu à l’appel à manifester de l’Union étudiante et de l’Union syndicale lycéenne (USL). Si l’initiative était soutenue par Génération.s, le Parti Communiste, et les Écologistes, c’est surtout la France insoumise, présente en bloc, qui a réussi à imposer son mot d’ordre dans le cortège : la destitution d’Emmanuel Macron.

­Car après l’interminable feuilleton politique de cet été, le sentiment de trahison a été exacerbé par la nomination de l’ancien négociateur du Brexit comme « Premier sinistre », ainsi que le désigne une pancarte. « Les gens d’en bas sont là ! », prévient l’écriteau de Nathalie, répondant à la formule malheureuse de Michel Barnier, lors de sa passation de pouvoir jeudi dernier. Venue de Mantes-la-Jolie (Yvelines), cette militante insoumise de 57 ans entend bien régler ses comptes avec celui qui promettait pourtant de ne pas perpétuer le mépris verbal des macronistes.

Sentiment de trahison

« On a câblé quand il a dit cette phrase. Qu’est-ce que cela veut dire d’être d’en bas ? » s’insurge-t-elle. Une formule malavisée qui s’ajoute au problème fondamental : l’impression de s’être fait voler son vote. « On a voté à gauche, on se retrouve avec un premier ministre de droite », se désole l’employée de banque. Pire : « soutenu par l’extrême droite ». Car sans son assentiment, la nomination de Barnier n’aurait pas été possible. Alors Nathalie explose : « Qu’est-ce qu’il lui a pris d’aller vendre son âme au diable ? »

La manifestation n’a pas tout à fait commencé, Charlotte en profite pour se positionner à côté du camion scène mobile, « Stop au coup de force de Macron ». Là où se succéderont les prises de parole, dont celle Jean-Luc Mélenchon. Elle a opté pour l’humour : « C’est avec un immense bonheur que Marine et Emmanuel vous annoncent la naissance de Michel », ironise sa pancarte.

Chemise bariolée, sacoche banane de travers, la retraitée d’origine allemande s’insurge contre le choix arbitraire d’Emmanuel Macron, « qui n’aurait jamais été possible en Allemagne ». « La presse allemande est très choquée par le fait que le premier ministre n’émane pas de la majorité ! ». Car tous, ce jour, auraient aimé voir Lucie Castets à Matignon. L’issue logique du résultat du 7 juillet dernier. « On s’est mobilisés comme jamais à gauche, et le monarque balaie tous nos efforts d’un revers de main en utilisant les outils constitutionnels », regrette Charlotte. Alors selon elle, c’est au tour du peuple de gauche de mobiliser la loi fondamentale. Et son article 68, qui régit la procédure de destitution du Président.

Censure du gouvernement ou destitution ?

La foule frémit, on annonce l’arrivée du tribun insoumis. Fidèle à sa réputation, Jean-Luc Mélenchon harangue la foule de son phrasé saillant. « Il est vain de croire que l’on vient à bout de ce peuple, pétri de cette histoire », commence l’ancien socialiste. « Personne ne dit que c’est monsieur Barnier le responsable de la situation. Ils disent tous que c’est Macron. Alors si c’est Macron le responsable, c’est lui qui doit s’en aller, et personne d’autre ! », exhorte Mélenchon. « Macron démission ! », lui répond en chœur la foule. « Voilà le slogan que dorénavant, à chaque occasion et quel que soit le sujet nous crierons dans les rues ! »

Bien que conquis, les sympathisants ne sont pas non plus dupes. Lucas, Antonin et Jules, 20 et 22 ans, sont venus, exaspérés de se faire « cracher dessus » depuis deux mois par le président. Ils ont écouté attentivement les paroles de l’ancien candidat à la présidentielle. « Mélenchon a bien raison, mais c’est bien dommage qu’il faille les deux tiers du Sénat pour que la motion aboutisse… » Une bonne idée mais qui risque à leurs yeux de ne pas déboucher. « Comme toutes les bonnes idées de la gauche. Mais on se bat pour les rendre réalisables ! »

« Ce mot d’ordre de démission est très mobilisateur », analyse Jérôme Legavre, député insoumis de Seine-Saint-Denis. Selon un sondage réalisé par Elabe le 28 août, 49 % des Français se disent favorables à une motion de destitution. « Les gens ne supportent pas le coup de force que Macron a entrepris après les législatives. Ils sont exaspérés », explique ce trotskyste.

Poursuivre la mobilisation dans la rue

Un grain de pluie reprend. Trois jeunes lycéennes enfilent leurs ponchos. Venues de Rosny-sous-Bois (93), elles ont répondu à l’appel de l’Union lycéenne. Même si les trois amies n’ont pas voté, elles ont quand même l’impression de s’être fait voler l’élection, « dégoûtées » par ce compromis avec l’extrême droite. « Le problème d’une simple motion de censure de Barnier, c’est que Macron pourra renommer un gouvernement comme il lui plaira », pense Lisa. « Ce pourquoi l’idée d’une motion de destitution est intéressante, même si elle paraît difficilement réalisable », poursuit son amie Cécile.

Présent avec d’autres élus communistes, Léon Deffontaines a lui aussi eu le droit à son allocution. « Nous avons deux façons d’agir aujourd’hui : la motion de censure à l’Assemblée, et la motion populaire, en utilisant tous les moyens, comme la grève » explique-t-il à l’Humanité, tout en confiant que s’il y a un projet de destitution, les communistes le voteront sûrement. « Mais ça ne doit pas être notre seule issue. » D’où l’importance d’obtenir des victoires dans la rue, « et de poursuivre la mobilisation avec les syndicats le 1er octobre prochain ».

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