Le 1er septembre dernier, les élections aux parlements régionaux (Landtage) de Saxe et de Thuringe ont vu une forte poussée du parti d’extrême droite AfD qui dépasse dans ces deux Länder de l’Est de l’Allemagne la barre des 30 %.
Outre la montée en puissance de l’extrême droite, les deux scrutins présentent les caractéristiques suivantes :
- Ils marquent un échec retentissant de la coalition au pouvoir au niveau national. Les partis qui la composent, SPD, Verts et Libéraux, subissent un rejet profond de leur politique, le SPD parvient à peine à se maintenir au-dessus de 5 %, les Verts disparaissent du parlement régional de Thuringe, le FDP n’est plus représenté dans aucun des deux parlements régionaux. Le gouvernement fédéral du chancelier Scholz bat des records d’impopularité dus à sa politique libérale austéritaire et à sa politique étrangère atlantiste et belliciste.
- L’Alliance Sarah Wagenknecht (BSW) issue d’une scission de Die Linke à la fin de l’année passée réussit une belle percée qui fait suite à un premier succès électoral aux européennes (6,2 % pour toute l’Allemagne) où elle se présentait pour la première fois. Développant des thèses souverainistes et militant activement contre l’engagement de l’Allemagne dans la guerre en Ukraine, remettant par ailleurs en cause la politique migratoire de l’Allemagne avec des arguments anti-migrants, BSW a su capitaliser sur le mécontentement des électeurs notamment abstentionnistes. Son indéniable succès se fait essentiellement au détriment de Die Linke et n’empêche nullement la progression de l’AfD contrairement à l’objectif proclamé d’y parvenir.
- Die Linke qui dirigeait le gouvernement régional de Thuringe subit un recul très important et parvient tout juste à sauver son groupe parlementaire en Saxe grâce à deux mandats remportés directement à Leipzig. Son avenir semble compromis au niveau fédéral si le prochain congrès de cet automne ne parvient pas à apporter de réponses convaincantes aux attentes des populations.
- La promesse faite par la CDU de ne pas gouverner avec l’AfD oblige à envisager des accords politiques inédits dans les Länder. BSW ou Die Linke peuvent-ils gouverner avec la CDU ? La CDU ne finira-t-elle pas par céder aux exigences de l’AfD ? La réponse à ces questions est cruciale à un an des élections législatives fédérales.
Depuis une semaine, responsables politiques et médias tentent d’expliquer comment on en est arrivé à une telle situation, en particulier dans l’est de l’Allemagne. Malheureusement, les considérations politiciennes sur les alliances à conclure pour former des majorités dans les parlements régionaux prennent le pas sur les analyses des véritables raisons du vote AfD : la misère sociale, la précarisation, le sentiment de déclassement, voire d’abandon éprouvé par des secteurs entiers de la population, les frustrations qui en découlent et qui font des migrants les boucs émissaires, l’incompréhension devant l’engagement militaire de l’Allemagne sous l’impulsion de l’Union européenne et de l’OTAN. De ce point de vue, l’Allemagne ne fait pas exception à ce qui se passe dans toute l’Europe, comme on le verra dans les débats organisés à la Fête de l’Humanité avec de nombreux invités européens. L’urgence, c’est de construire des alternatives crédibles et pour cela, de donner toute sa force à la gauche de transformation sociale dans toute l’Europe.
Alain Rouy
collectif Europe, secteur international du PCF
Article publié dans CommunisteS, N°1009, 11 septembre 2024.
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