samedi 28 septembre 2024

« Le dumping social est le carburant de la concurrence », estime Thierry Nier de la CGT Cheminots

Pour Thierry Nier, la SNCF peut empêcher la casse sociale dans les TER en évitant les transferts des agents dans ses filiales dédiées, malgré l’ouverture à la concurrence. Le secrétaire général de la CGT cheminots avance aussi des pistes pour contrecarrer la liquidation de Fret SNCF.

Ce jeudi 26 septembre, les quatre organisations syndicales cheminotes représentatives (CGT, Unsa, SUD, CFDT) entendent dénoncer la libéralisation du rail, en se rassemblant à midi devant le ministère des Transports. Dans ce contexte, à compter du 15 décembre, la SA Voyageurs de la SNCF exploitera les premières lignes régionales ouvertes à la concurrence au travers des filiales dédiées, au risque de brader les conditions de travail et la sécurité des circulations.

L’accord classification et rémunération de 2022 transpose l’accord de branche à la SNCF. Quels effets induit ce texte sur le transfert des cheminots vers des filiales dédiées ?

Thierry Nier

Secrétaire général de la CGT Cheminots

Cet accord introduit une polyvalence des métiers. Dès lors, leurs contenus sont remis en question. La démultiplication des tâches, plutôt que d’assumer un seul métier complet avec une formation adéquate dédiée, chamboulera en profondeur la production ferroviaire. C’est le mode d’organisation que voudrait appliquer la direction dans la perspective du transfert des cheminots dans les filiales dédiées pour les TER.

Chacune des filiales aura des périmètres, une organisation du travail, une densité de voyageurs propres. La CGT cheminots est la seule fédération à ne pas avoir validé cet accord. Ce texte détricote le contenu des métiers et implique des risques sérieux en matière de sécurité des circulations. La polyvalence des métiers introduira une réduction du nombre de cheminots. Derrière, des enjeux de formation des agents se posent.

Quelles sont vos craintes quant au contenu des formations ?

Avant même cet accord, la direction a de plus en plus orienté les formations sur les spécificités du poste du travail dans les sites ferroviaires et non plus sur une connaissance globale du métier et des textes réglementaires. Ces cheminots ne sont donc pas toujours formés à la connaissance de l’ensemble du système ferroviaire, donc ils maîtrisent moins les synergies nécessaires à une bonne production ferroviaire. L’objectif est que les agents effectuent des tâches sans être armés pour réfléchir à l’ensemble de la production des trains. C’est une logique de division des cheminots par la formation qui s’opère.

L’ouverture à la concurrence s’accompagne-t-elle nécessairement d’une polycompétence et d’un transfert des agents ?

D’abord, l’ouverture à la concurrence des TER n’était pas une obligation. La réglementation européenne permet une attribution directe sans appel d’offres. Notre priorité est de revenir sur ces logiques de libéralisation du rail. Cependant, malgré la concurrence, la SNCF n’avait aucune obligation de transférer les agents. La SA (société anonyme – NDLR) Voyageurs candidate seule pour la SNCF dans le cadre des appels d’offres.

Lorsqu’elle les remporte, puisqu’il n’y a pas de changement d’attributaire, elle peut garantir la production sans créer de filiales dédiées. À partir de là, les transferts de cheminots eux aussi ne sont pas obligatoires. La mise en place de filiales dédiées est une décision assumée de la part de la direction de la SNCF. Nous exigeons qu’elle arrête ce processus. Si elle fait le choix de poursuivre dans cette voie, ce qui est le cas pour l’heure, elle peut tout à fait avoir recours à la prestation entre la SA Voyageurs et la filiale. Ainsi, les cheminots garderont l’intégralité de leurs droits actuels.

Avec la multiplication des employeurs, quelles pourraient être les conséquences sur le climat social ?

L’objectif est de briser toutes les ripostes sociales. Le patronat est constant : la rentabilité produite par une casse des conditions de travail s’accompagne d’une volonté d’affaiblissement des résistances syndicales. Dès lors, les directions ne nous attaquent pas frontalement. Elles opèrent par petites touches. La division des collectifs de travail, la séparation des activités, l’exploitation ferroviaire par le prisme de différentes sociétés anonymes, la création de familles de métiers indépendantes les unes des autres répondent à cette logique. Ainsi, les cheminots n’ont plus le sentiment d’appartenir à une famille commune cheminote.

Fret SNCF doit laisser la place à deux entités, au 31 décembre. Est-il encore possible de contrer le plan de discontinuité ?

Oui. Nous travaillons à construire un rapport de force suffisant pour obtenir un moratoire. Cette mesure découlerait d’une simple volonté politique de l’exécutif, sans décret, sans passer par la voie législative.

Le bureau de l’Assemblée peut soumettre au débat, et passer par un vote des députés, un certain nombre de sujets comme celui du plan de discontinuité. Le Nouveau Front populaire est majoritaire dans cette instance. Au-delà du soutien que nous avons apporté au programme de la coalition, nous souhaitons travailler avec la gauche à un débouché politique pour contrer la liquidation de Fret SNCF.

En l’état, la relance du train des primeurs est-elle réalisable ?

Par l’action syndicale, nous avons préservé le matériel qui devait être envoyé à la casse. Le train des primeurs fait partie des 23 flux que Fret SNCF a dû abandonner pour dix ans. Cependant, en l’absence de repreneur, l’État peut décréter une dérogation pour relancer le Perpignan-Rungis dans sa version initiale, composée de wagons réfrigérés.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire