Chroniques vénézuéliennes, par Jean Ortiz. A
deux mois des élections présidentielles, état des lieux du Venezuela
treize années après l'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez. Aujourd'hui:
"il pleut sur Caracas".
La saison des pluies a ceci de prévisible que lorsque "l'aguacero"
ne te surprend pas, tu pestes quand même. L'airbus Madrid-Caracas est
déjà un condensé du fort clivage politique et social que vit le
Vénézuela. Les chanteurs de la chorale de l´entreprise publique du
pétrole, PDVSA, arbore des vestes phosphorescentes aux couleurs du
Venezuela, la même dont se drape le président Chavez. Je les aborde: "Un français chaviste". Ils me répondent en chantant: "Uh, ah, Chavez no se va".
Vénézuéliens en cage
Dans la longue file d´attente de gens plutôt bien mis, on se tait.
L´Airbus, comme l´aéroport, sont pleins à craquer. Manifestement, les
Vénézuéliens sont en cage, à l'intérieur de leurs frontières! A
l'aéroport Simon Bolivar, des longues queues face aux homéopathiques
guichets de l'immigration préfigurent le socialisme. J'ai appris à Cuba
que la queue est une institution inhérente au socialisme! Elle est
juste, fraternelle, vigoureuse, égalitaire. Chacun sait quelle est sa
place, même quand la queue relève de l´attroupement.
Aéroport Simon Bolivar de Caracas: des fresques chavistes "Continuons
ensemble", "Indépendance, pour toujours" annoncent la couleur: le
rouge, et rendent plus agréable l'attente du tampon. "La patience est une vertu révolutionnaire".
L'impatient que je suis enrage: dehors, Miriam négocie avec ces
brigands de chauffeurs de taxis. Au guichet, un même tampon pour tous,
Vénézuéliens comme étrangers. On en arrive à regretter le flicage tant
attendu lorsqu'on arrive du monde libre. Le camarade douanier salue les
communistes "amis".
Caracas est un amphithéâtre cahotique où les pauvres ont pris de la
hauteur. Ils se perchent à flanc de montagne, sur les endroits les plus
inaccessibles, entassent sur quelques mètres carrés des baraques
acrobatiques, près des coulées de boue, sur quelques rochers instables.
Cet univers de bois et de tôles, anarchique, coloré, "les ranchitos", menace la tranquilité de ceux qui vivent plutôt bien en bas.
Le jour où ils descendront... Et ils sont en train de le faire: la
Révolution les a rendus visibles. Ils descendent en avalanche rouge à
chaque manifestation, prêts à donner leurs vies, comme ils le firent
lors du coup d'État d´avril 2002. Ils marchèrent sur le Palais
présidentiel pour affronter les putschistes qui tirèrent sur la foule
des gueux. Le sang versé se retourna contre les factieux qui nommèrent
président éphémère le patron des patrons, Pedro Carmona, tout un symbole
de reconquête de la liberté!
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