Par Benjamin Stora
Le général Giap vient de décéder à l’âge de 102 ans. Je l’avais
rencontré longuement à son domicile personnel à Hanoï en présence de son
épouse. C’était le 1er mai 2004 en marge d’un colloque sur le
cinquantième anniversaire de la victoire vietnamienne à Diên Biên Phu.
J’étais l’un des deux historiens français (avec Alain Ruscio) à avoir
été invité à cette rencontre, dédiée à un débat croisé sur la bataille
de Diên Biên Phu et ses résonances régionales et internationales. Je
n’avais pas pu le rencontrer au moment de mon long séjour au Vietnam,
quelques années auparavant (sur ce séjour au Vietnam en 1995-1996, je
renvoie à mon ouvrage, Voyages en postcolonies, paru en 2012 aux éditions Stock).
Giap était à trois mois de souffler sa 93e bougie et
faisait preuve d’une lucidité, d’une vivacité remarquables. Nous avons
discuté pendant plus de deux heures. Chaleureusement accueillant, il
s’est avancé vers moi pour me souhaiter la bienvenue. Petit de taille,
il paraissait très frêle, très mince et étonnement assuré dans sa façon
de discuter, d’argumenter, de poser les questions. Alerte, il avait de
l’intérêt pour beaucoup de choses. Nous n’avons pas eu recours à un
interprète. Parfaitement francophone – à l’image de son épouse –, le
général Giap s’est laissé aller à un long voyage dans le passé. Je
croyais qu’il allait aborder la question de la défaite militaire
française à Diên Biên Phu dont c’était, à ce moment précis, le
cinquantième anniversaire.
Mais lorsque le vieux guerrier prestigieux et l’historien se
rencontrent, c’est un manuel d’histoire qui s’ouvre, le temps d’une
visite de courtoisie. Nous avons parlé de l’histoire de France et de ses
personnages emblématiques, de la Révolution française qu’il admirait,
de Mirabeau à Robespierre, de celle du Vietnam, de la résistance contre
les Japonais et la construction du Parti communiste dans la
clandestinité, et bien sûr de la bataille de Diên Biên Phu, de la
décolonisation. Un demi-siècle après les faits, la bataille de Diên Biên
Phu, lui tenait beaucoup à cœur.
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