Les
bombardements turcs ont touché des zones proches de l’hôpital hier
après-midi. La population craint l’entrée des djihadistes dans la ville,
synonyme de viols et d’égorgements. Des habitants témoignent pour l’Humanité.
Les
habitants du canton d’Afrin et les forces de défense résistent depuis
maintenant cinquante-cinq jours à l’invasion de l’armée turque épaulée
de ses supplétifs djihadistes. Cinquante-cinq jours de bombardements
massifs, de destructions, de morts et d’exactions perpétrées par les
anciens membres de Daech, du Front al-Nosra (al-Qaida) ou de brigades
islamistes qui sévissaient à Alep-est, reconvertis au sein de l’Armée
syrienne libre (ASL). Hier, en milieu d’après-midi, le pilonnage a été
intense. Les zones autour de l’hôpital ont été touchées. Des dizaines
d’obus et de roquettes se sont abattues, faisant plusieurs morts et de
nombreux blessés. « Depuis une semaine, la situation est
particulièrement critique, explique Nergiz Afrin (un pseudonyme pour
éviter toutes représailles turques) du centre d’information Résistance
Afrin. L’État turc a complètement bloqué l’alimentation en eau de la
ville. Le barrage de Meydanki, principal réservoir d’eau d’Afrin, a été
bombardé, tout comme le réservoir de Metina. De plus, les antennes de
téléphonie mobile sont systématiquement détruites, isolant totalement de
nombreuses familles. »
Une situation sanitaire qui s’aggrave
200 000 personnes ont fui cette avancée, laissant tout
derrière elles, n’emportant que les simples vêtements qu’elles
portaient. Beaucoup ont trouvé refuge dans la ville d’Afrin et sont
maintenant prises au piège, comme le montrent les témoignages que nous
publions (lire ci-contre). Elles seraient actuellement près d’un
million.
Le conseil social de la ville tente de faire face malgré
les bombardements incessants. Les écoles servent maintenant de dortoirs.
L’eau, rationnée, est distribuée, de même que de la nourriture. Seules
quelques épiceries sont ouvertes, plus rien ne fonctionne. La situation
sanitaire s’aggrave. Il n’y a pas assez de personnels pour soigner les
blessés et plus assez de médicaments. La solidarité s’organise néanmoins
et des familles en accueillent d’autres. Elles sont trois, cinq, voire
dix à tenter de survivre dans la même maison. Malgré cela, ils sont très
nombreux à dormir, avec leurs enfants, dans les ruines, dans le froid
et les dangers de la nuit. 250 civils ont été tués depuis le début de
l’offensive turque, le 20 janvier. Mardi, un enfant de 14 ans a péri
lors d’un bombardement sur le district d’Eshrefiye. « Les bombardements
et la proximité des islamistes inquiètent particulièrement la
population, note Nergiz Afrin. Les gens connaissent très bien les
pratiques de ces djihadistes. Les habitants sont sûrs que s’ils entrent
dans la ville ils seront massacrés, violés et égorgés. Cette peur qui ne
cesse de monter parmi les civils est terrible. »
Depuis hier, le danger est encore plus pressant. Il est
aux portes. Mercredi matin, le président turc, Recep Erdogan, lançait,
matamore : « J’espère, si Dieu le veut, qu’Afrin sera complètement
tombée d’ici ce soir. » La résistance populaire l’a forcé à revenir sur
ses propos, parlant, par la suite d’Afrin « totalement encerclée ».
Redur Khalil, un porte-parole des YPG (unités combattantes kurdes),
avait immédiatement réagi après la première déclaration du chef de
l’État turc : « Il semble que le président (…) Erdogan rêve éveillé en
parlant d’une chute d’Afrin ce (mercredi) soir. » La seule route encore
ouverte est néanmoins sous le feu turc et tout convoi, civil ou
militaire, qui tente de l’emprunter devient une cible.
Des convois de solidarité sont parvenus jusqu’à Afrin ces
derniers jours, emmenant des centaines de personnes de Cizre (Turquie)
ou de Kobané, plus à l’est. Une délégation de représentants politiques
et religieux est arrivée du Kurdistan d’Irak. Pourtant, les habitants se
sentent trahis, lâchés par une communauté internationale qui avait
pourtant applaudi devant leur courage et leur victoire face à Daech, en
janvier 2015, à Kobané. La France parle un peu mais n’agit toujours pas.
Alors que les massacres se poursuivent à Afrin, l’Union européenne
annonce une deuxième enveloppe financière de 3 milliards d’euros pour
aider la Turquie à accueillir les réfugiés syriens sur son sol ! Quant
au ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu, il
plastronne une fois avec les représentants de la Russie, une fois avec
ceux des États-Unis, certain de son impunité. Pis, mardi, il a annoncé
que les chefs de la diplomatie turque et américaine allaient se
rencontrer le 19 mars, à Washington, pour étudier l’évacuation des
combattants kurdes de Manbij – où stationnent les troupes américaines.
Pour les Kurdes, la trahison est totale, dans le silence fracassant du
monde, trop occupé par la Ghouta orientale.
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