Neuf
organisations syndicales comptabilisaient, jeudi après-midi, 161
manifestations dans 95 départements. À Paris, des milliers de personnes
ont défilé contre la hausse de la CSG et pour la revalorisation des
pensions.
«C’est
normal, Mamie, que ta pension baisse, c’est parce qu’elle s’use. » À 84
ans, Josette Riandière La Roche sourit amèrement en racontant
l’anecdote. L’expression du député LREM, rapporteur du projet de loi de
financement de la Sécurité sociale (PLFSS), évoquant dans le Parisien la
« génération dorée » des retraités, lui est restée en travers de la
gorge. « Nous sommes les enfants de la guerre, nous avons vécu sous la
domination allemande, sous les bombes. Je travaillais 44 heures par
semaine pour payer mes études… Nous sommes loin d’être favorisés. Notre
classe creuse a élevé les baby-boomers. Si je perçois une retraite,
c’est parce que beaucoup d’amis sont morts avant moi. C’est ça, la
retraite par répartition. »
L’ancienne professeure d’espagnol en faculté, longtemps
syndiquée FSU, s’appuie sur sa canne, en attendant que le défilé
s’ébranle. À ses côtés, Guy Niel porte une pancarte du collectif citoyen
de Gentilly (Val-de-Marne) et enchaîne : « Le gouvernement fait tout
pour culpabiliser les retraités, leur demander des efforts de
solidarité… Mais aux actionnaires des grandes entreprises qui récupèrent
des milliards, on ne leur demande rien, et on leur fait des cadeaux. »
Pour se soigner, cela devient difficile. Pourtant, Guy travaille depuis
l’âge de 14 ans et peut être fier d’une jolie carrière qui l’a fait
évoluer de plombier chauffagiste à ingénieur-conseil. « Celui qui n’a
pas les moyens deviendra un sans-dents, comme dirait M. Hollande… »
« Ça suffit de vouloir tout casser », s’insurge ce couple
de l’Essonne, triste de ne pas avoir vu l’annonce de la manifestation
bien relayée dans les médias. Tous deux ont travaillé quarante-trois
ans. Jean-Yves s’est arrêté il y a sept ans. Christine l’a rejoint l’an
dernier. Il a suffi d’une année pour voir leurs pensions baisser de 68
euros par mois. « C’est la première manifestation que nous faisons
depuis que nous avons commencé à travailler : ça montre notre
ras-le-bol ! »
Le gouvernement veut supprimer 120 000 emplois de fonctionnaires
Le gel des pensions, la perte du pouvoir d’achat et
maintenant la hausse de 1,7 point de la CSG les révoltent, comme Luis
Villemez, qui affiche sa perte de revenu autour du cou. Cet ancien
fonctionnaire territorial de 65 ans pointe depuis 2013 la diminution de
sa pension : 1 456,94 euros en 2013, 1 409,74 euros en 2015… En 2017, il
avait retrouvé son revenu de 2013, mais pour mieux le voir fondre en
janvier 2018. Comme son épouse travaille encore et que les calculs se
font en lien avec le revenu fiscal de référence qui tient compte des
ressources de la famille, le voici ponctionné de 1 014 euros dans
l’année. Sa voisine, elle, va perdre 307 euros : « Déjà, je n’achète ma
nourriture qu’en promo, et je tiens un petit carnet pour garder la
notion des prix et mesurer l’augmentation sur les marques que j’achète.
Quand c’est trop, je vais le montrer à l’accueil du magasin : ça me
soulage ! »
Près du camion rouge de la CGT du Val-de-Marne, Odette
Terrade devise avec ses camarades syndiqués. « Nous aidons déjà nos
enfants et nos petits-enfants, nous sommes actifs dans des syndicats,
des associations. Nous faisons beaucoup pour la société. Après quarante
et un ans de service, on veut encore nous piquer des sous… Le
gouvernement peut en trouver ailleurs : le Cice a été donné aux
entreprises sans aucune contrepartie sur l’emploi, et on a baissé
l’impôt sur les sociétés… Beaucoup d’entreprises ne paient pas leurs
cotisations sociales, et le gouvernement veut supprimer 120 000 emplois
de fonctionnaires, notamment ceux qui contrôlent ces entreprises. »
Cette ancienne sénatrice communiste, retraitée de la finance, sait de
quoi elle parle, sortant de la fourgonnette une lettre adressée à
Emmanuel Macron, rédigée par l’intersyndicale des neuf organisations qui
appellent à la mobilisation. « Je veux que ma pension soit revalorisée
et indexée sur les salaires et non pas sur l’inflation, ce qui a conduit
à accélérer le décrochage du pouvoir d’achat des retraités. Comme des
millions de retraités, je dis : “C’est assez” », peut-on lire sur
l’adresse censée être relayée par les parlementaires du Val-de-Marne.
« C’était important d’être là aujourd’hui, conclut Guy
Niel. Et les autres jours à venir ! Va falloir lui secouer les bretelles
à Macron et lui montrer que le peuple sert à quelque chose ! »
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