mardi 30 avril 2024

Parcoursup, la supercherie efficiente


 La plateforme web « destinée à recueillir et gérer les vœux d’affectation des futurs étudiants de l’enseignement supérieur » est en réalité une sélection déguisée au profit de la création d’une élite.

Parcoursup a glané les premiers vœux des futurs étudiants en 2018. Et de plus en plus de futurs étudiants ont l’impression de « jouer leur vie » dans un jeu dont ils ne maîtrisent pas les règles. Pour Hugo Harari-Kermadec, professeur de sociologie à l’université, la transformation principale, induite par l’arrivée de Parcoursup dans la vie étudiantes, réside dans le fait « d’introduire l’idée de concurrence, de candidature au supérieur et de sélection, là où il n’en était pas question. Et d’ailleurs, dans les discours de la ministre de l’époque, Frédérique Vidal, ce n’était pas de la sélection ».

Six ans après, la réforme est devenue réalité et tout le monde a bien saisi qu’il est finalement question de sélections. Si bien que « certains élèves et leurs familles anticipent Parcoursup dès la fin du collège, témoigne Béatrice, professeure de littérature au lycée. Ils vont déjà réfléchir aux choix de spécialités, de lycée, des stages à réaliser pendant les vacances, qui dépendent du réseau des parents, des engagements souvent opportunistes dans des associations… La moitié des élèves qui s’engagent comme délégués ou au CVL le font pour leur dossier et non par conviction. »

« La nécessité de beaucoup s’informer en amont, de participer aux portes ouvertes pour bien connaître les critères de sélection, me paraît bien plus discriminante que la fameuse lettre de motivation », déplore Béatrice. Une lettre de motivation rédigée avec les plus grands soins par des jeunes soucieux d’avoir une affectation, mais souvent rendue caduque par le fonctionnement de la plateforme.

En raison d’une réinsertion, Alexandre, 20 ans, s’est de nouveau inscrit sur Parcoursup cette année. Selon lui, le fonctionnement de la plateforme n’est pas un facteur d’égalité républicaine puisqu’« on a parfois l’impression que l’acceptation des futurs bacheliers est inégale ». Il dénonce « un algorithme qui trie un peu les candidatures et va se focaliser sur la meilleure moyenne ou la meilleure appréciation plutôt que la lettre de motivation ou le profil de l’élève ».

 Effets genrés et sociaux de la plateforme

Hugo Harari-Kermadec déplore des dérives discriminatoires de Parcoursup : « En plus de la ségrégation sociale qui est accélérée du point de vue purement social, il se passe la même chose, en fait, suivant tous les rapports sociaux ». Au niveau de la parité, on assiste à une « déformation plus féminine ou plus masculine qu’avant », estime-t-il. En suivant la logique de sélection, de concurrence, c’est le meilleur dossier qui sera sélectionné « et en classe moyenne populaire, il sera plutôt féminin et plutôt masculin lorsqu’on sera en discipline scientifique. Et la ségrégation sociale et genrée s’accélère avec un Parcoursup ».

Des effets que Yannick L’Horty, économiste et directeur de l’Observatoire des inégalités dans l’enseignement supérieur (ONDES) nuance : « Au moins, c’est une plateforme qui contribue à la transparence du système et qui permet à chacun, dans l’égalité, d’exprimer des vœux d’orientation ». Pour ce dernier, il y a néanmoins « beaucoup d’autres facteurs indépendamment de la plateforme qui vont contribuer à l’inégalité ». Il y a aussi l’inégalité des trajectoires, notamment la connaissance des formations elles-mêmes, des mécanismes d’autosélection des néobacheliers, ou autres mécanismes. Et bien sûr, la reproduction sociale qui se fait à l’école, au lycée, au collège, indépendamment de Parcoursup. « C’est d’abord un outil, voilà. Et c’est plutôt un outil performant, affirme Yannick L’Horty. La plateforme reproduit des inégalités plus qu’elle n’en produit. »

Mais pour Béatrice, ça reste « un tri qui ne se déguise pas. Il s’affirme tout au long de la procédure. Le problème n’est pas tant le tri que les critères de ce tri. L’équité est impossible : dès lors que l’on sait que ton très bon bulletin vient d’un lycée lambda, il est dévalorisé ». Hugo Harari-Kermadec ne voit « pas de raison majeure qui justifie de rester sur un système concurrentiel comme ça. À part l’idée qu’il y ait place pour tout le monde ». Il abonde : « On a quadruplé le nombre de places à l’université, pendant la seconde moitié du 20ème siècle. Pourquoi, d’un seul coup, ce n’était plus possible ? » En particulier à l’heure où l’enseignement supérieur et la recherche sont censés être des priorités. Le manque de place, « le cœur du problème » selon Béatrice, est à-demi dissimulé par la proposition d’établissements privés qui n’ont pourtant pas leur place sur la plateforme.

Quelle alternative à Parcoursup ?

« Ce qu’il faudrait faire, c’est revenir à un système d’instruction », suggère Hugo Harari-Kermadec. Et, en parallèle, donner les moyens suffisants afin que les étudiants puissent suivre leurs cursus dans de bonnes conditions à l’université et que personne ne se demande « où aller s’échapper pour éviter un système qui se dégrade ». Avant de chercher une alternative à Parcoursup, il faut résoudre le souci d’orientation des élèves, étranger à la plateforme. « Le premier problème, c’est celui de l’orientation », assure Yannick L’Horty. Parce qu’il y a toujours, malgré les efforts qui sont réalisés par les pouvoirs publics, des échecs en étant à l’université. Et ces échecs traduisent des défaillances dans les choix d’orientation.

« Ce qui me paraît problématique, outre le tri social, est de dessiner le profil d’un candidat par rapport à son dossier scolaire : que disent de bons bulletins sur un être humain ? Qu’il a bien accepté et respecté les règles. Qu’il est bien resté dans les clous. Que ses parents ont les sous pour payer des cours de maths. Qu’il a vécu deux années de lycée sereines sans drame familial, social, personnel. Qu’il ne tâtonne pas sur ses goûts et ses compétences et a donc bien choisi les spés qui lui conviennent », déplore Béatrice.

La plateforme rend difficile de classer objectivement les candidats et donc de les affecter de manière optimale. Et au vu des annonces de Gabriel Attal concernant ses desseins pour l’Éducation nationale, on ne peut que présager le pire.

Palestine. Stop au génocide

Sur l’un des ponts enjambant la rocade à Saint-Martin-d’Hères.

Ce samedi 27 avril, une cinquantaine de militants avaient répondu à l’appel de l’Association France Palestine solidarité.

Les manifestants se sont à pied jusqu’au pont enjambant la rocade sud à saint Martin d’Hères. Ils ont déployé des banderoles et des drapeaux à l’attention des automobilistes qui empruntent la rocade Sud pour dire stop au génocide, pour exiger un cessez-le-feu immédiat et pérenne à Gaza et pour exiger l’application par la France de sanctions contre Israël.

De nombreux automobilistes et motards ont marqué leurs soutiens à cette initiative avec des coups de klaxons, des appels de phares et des saluts amicaux. Plus de 7 000 véhicules sont passés en une heure.

D’autres initiatives sont prévues dans les prochains jours.

Eric-Piolle

 

lundi 29 avril 2024

Paris 2024 : à qui profitent les jeux Olympiques ?

À moins de cent jours des JOP de Paris 2024, l’intérêt de l’organisation d’un tel événement se pose. Sujette à la controverse, cette édition sur le sol français invite à la réflexion sur la place et le rôle du sport dans notre société.

L’organisation de l’événement suscite logiquement doutes et controverses, mais tout n’est pourtant pas à jeter avec l’eau du bain olympique.

Stéphane Floccari

Agrégé et docteur en philosophie et professeur à l’Insep

Ainsi posée, la question ressemble à une mise en accusation, sur le mode : « À qui profite le crime ? » Ce sens de la question ne peut être ignoré. Il y a un cahier des charges olympique et il a son côté obscur. À chaque édition de cette compétition qui, avec la Coupe du monde de football et le Tour de France, constitue l’un des trois spectacles sportifs de masse universels, ce cahier est rouvert. Il est compréhensible que l’organisation de l’événement suscite doutes et controverses.

Le coût financier exorbitant d’infrastructures produites ad hoc a de quoi inquiéter et même effrayer. Surtout quand on sait que certaines d’entre elles, aux dimensions pharaoniques, ne seront jamais réutilisées ni rentabilisées. Tout ceci ne pousse pas à mettre la main au portefeuille sans quelques craintes légitimes. Et que penser de la facture écologique présentée à des générations futures qui croulent déjà sous les impayés environnementaux ?

À ce tableau, il faut ajouter tous les dommages collatéraux : les gens en situation de grande précarité déplacés à la hâte et sans solution de rechange durable, le prix des terrains qui s’envole et l’explosion du prix des transports en commun. L’arbre olympique cache la forêt de la désespérance sociale de pays entiers qui choisissent malgré tout de le planter dans leur terre nationale. Et on voit mal comment, pour fêter le centenaire de sa précédente organisation de la compétition réactivée par le fameux (et très misogyne) baron Pierre de Coubertin, la « start-up nation » France pourrait faire exception à la règle.

Les alibis politiques restent les mêmes : faire tourner l’économie, dynamiser le bâtiment et les services, donner l’occasion de rayonner à un pays qui en a toujours besoin et qui le mérite tant. L’antienne est bien connue. Nonobstant ces motifs d’inquiétude légitimes dans un pays où l’on n’écoute plus vraiment ceux qui souffrent et où l’on tend de plus en plus naïvement les micros à ceux qui ne proposent que des « solutions », ajoutant de la stigmatisation à la détresse et de la haine aux fractures sociales, tout n’est pas à jeter avec l’eau du bain olympique.

Des percées sont possibles. D’abord sportives : c’est l’occasion pour nos champions de montrer l’étendue et la diversité de leurs talents affûtés par un travail herculéen dans des conditions pas toujours reluisantes, car si des efforts de moyens sont consentis, ils sont encore répartis de façon trop inégalitaire entre les fédérations sportives. Ensuite sociales et humaines : pour peu que l’or brille, que l’argent coule à flots et que le bronze sculpte de grands destins, les Français trouveront des motifs de sourire dans un océan d’angoisses.

Enfin, on peut imaginer qu’une réflexion sur la beauté et la force éducative du sport s’ouvrira pour faire de la France, non pas une vitrine médiatique de la performance à tout-va, mais un atelier pédagogique du pouvoir d’émulation et de transformation de l’homme par l’homme qui a pour nom générique : « sport(s) ».

Vaste campagne de communication, la parenthèse enchantée des Jeux doit inviter les forces progressistes à plus de lucidité critique.

Jean-Marie Brohm

Sociologue et professeur émérite des universités

Les Jeux de Paris 2024 – supposés être « citoyens », « festifs », « écologiques », « financièrement maîtrisés », « sécurisés » – constituent une vaste campagne de propagande et de communication orchestrée par de puissants intérêts économiques, politiques et idéologiques associés aux enfumeurs professionnels de l’opinion publique.

En tête de gondole, le président Macron et tous les affidés du macronisme, qui fantasment sur une « nation sportive » hissée au top classement des médailles. Ensuite, les partis politiques y compris de gauche et les organisations syndicales « responsables » invités à participer à la grande « union sacrée » derrière « nos champions » idolâtrés.

Cette mobilisation générale revêt l’allure d’un endoctrinement national relayé par les radios, les télévisions, la presse, et entretenu par les organismes bancaires, les offices du tourisme, les agences publicitaires et les municipalités ayant acquitté un péage onéreux pour le passage de la flamme olympique.

Pilotée par le Cojop et les appareils idéologiques ou administratifs de l’État – le ministre de l’Intérieur, la ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, la ministre des Sports et des jeux Olympiques – cette « grande machinerie silencieuse » de l’olympisme, selon l’expression de Pierre de Coubertin, est sous la responsabilité directe de la multinationale financière affairiste du CIO et de ses hiérarques, le président allemand Thomas Bach en tête, de concert avec la meute de chasse des « partenaires » capitalistes mondiaux ou nationaux en quête de surprofits et de paradis fiscaux, le tout en accord avec la ribambelle opportuniste des gestionnaires de la région Île-de-France et de l’Hôtel de Ville. 

Dans la situation internationale liée à l’invasion criminelle de l’Ukraine par la soldatesque de Poutine et aux menaces du terrorisme islamiste, l’avenir dira si la militarisation estivale de l’espace public aura été capable de maintenir les rêves éveillés de la « trêve olympique », de la « paix olympique » et autres niaiseries de « l’idéal olympique ».

L’avenir dira aussi si le probable déficit financier de Paris 2024 mettra un terme aux illusions rassurantes du « ruissellement » destiné à occulter l’endettement colossal du pays, la crise aiguë du logement social, la précarisation des classes populaires et moyennes, l’état de plus en plus délabré des services publics et des transports en commun, la misère de l’hôpital public et des maisons de retraite, la politique néolibérale d’austérité qui se fait au détriment de l’Éducation nationale, de la recherche scientifique et médicale, et de la culture.

La diversion politique de la « parenthèse enchantée » des Jeux et le mimétisme grégaire de l’identification nationaliste aux champions – qui rappelle les modèles totalitaires soviétique, est-allemand et chinois – devraient dès lors inviter les forces progressistes à plus de lucidité critique.

 

Monoprix : les salariés en guerre contre leur nouvelle direction

Ce vendredi 26 avril, les salariés d’une quarantaine de Monoprix en France se sont mobilisés à l’appel de la CGT pour réclamer une prime de participation, qui leur a été pour la première fois refusée cette année, ainsi qu’une hausse des salaires.

« Nous n’avons même pas les moyens de faire les courses dans notre enseigne » scandait dans son microphone Alain Sylvère Tsamas, délégué syndical de la CGT, ce vendredi 26 avril devant les salariés de l’immense Monoprix de deux étages à Nation dans le 20e arrondissement de Paris.

Depuis 7 heures du matin, des centaines de salariés en grève s’étaient réunis devant une quarantaine de supermarchés à travers la France à l’appel de la CGT pour dénoncer la suppression de leur prime de participation. Cette gratification versée annuellement, correspondant en moyenne à un mois de salaire, est toujours très attendue des employés de la chaîne, payés pour la plupart au Smic.

C’est par exemple le cas d’Odile Djeugoue, vendeuse à Monoprix depuis 20 ans. « Nous sommes mal payés, sous pression et épuisés à cause des réductions d’effectifs – 20 à 30 % depuis le Covid », explique la représentante de la CGT qui ne touche pas plus de 1 400 euros par mois à temps plein, malgré son ancienneté. « Cette prime, nous l’attendons toute l’année comme la récompense du travail que nous fournissons correctement malgré tout ».

NAO infructueuses

La célèbre enseigne « premium », propriété du géant Casino, de même que Franprix ou Naturalia, a fraîchement rejoint le giron du milliardaire tchèque Daniel Krestinsky, censé redresser le groupe stéphanois qui enregistre une perte nette abyssale de 5,7 milliards d’euros sur l’exercice 2023. C’est ainsi que le nouveau directeur général, et porteur du chantier, Philippe Palazzi a justifié cette prime nulle. Le hic ? Les salariés des supermarchés Casino, auront eux droit à leur récompense, bien que largement amoindrie. Le coup de tonnerre est intervenu la semaine dernière, dans un climat social déjà très tendu à la suite de NAO infructueuses et de l’annonce d’une suppression de 1293 à 3267 postes au sein de l’entreprise.

Lors des négociations, menées courant mars, le deuxième syndicat (après la CFDT), réclamait notamment des rémunérations de 2000 euros brut minimums, n’obtenant qu’une hausse de 1,9 % à 2,2 % pour le statut employé lors de la signature de l’accord le 3 avril. Pour compenser l’interdiction de poser leurs congés pendant la période des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), les cégétistes avaient également demandé une prime dédiée à cette réquisition forcée. « Pendant les JO, des millions de touristes vont générer des richesses au détriment de salariés en souffrance », assène Alain Sylvère Tsamas, entouré de ses collègues du magasin de Nation, et de passants solidaires.

Rien que dans ce Monoprix, près de 40 salariés sur 170 étaient en grève, CGT et CFDT confondu. Des rassemblements ont été organisés devant plus d’une quarantaine de supermarchés aux lettres rouges. La députée FI Rachel Keke, était, elle, venue soutenir les grévistes du Monoprix de la rue Saint-Antoine dans le 4e arrondissement de Paris. Une délégation de la CGT Monoprix se rendra à la manifestation parisienne du 1er mai pour porter ces revendications. Le boucher en poste depuis 24 ans est inflexible : « nous ne lâcherons rien ! »

 

dimanche 28 avril 2024

Immigration : À la frontière franco-italienne, des « privations de liberté hors de tout cadre juridique », alerte la Défenseure des droits

La Défenseure des droits dénonce des « violations des droits » et de « lourdes atteintes » aux libertés des exilés traversant les frontières franco-italiennes, dans une « décision-cadre » publiée ce 25 avril, après deux ans d’instruction.

« Des atteintes substantielles et multiples ». Dans son rapport publié le 25 avril, la Défenseure des droits est claire : les droits des personnes exilées traversant la frontière franco-italienne sont bafoués de manière « préoccupante » par la police des frontières, « à partir du moment où elles sont contrôlées, jusqu’à leur éloignement du territoire ».

En juillet dernier, Gérald Darmanin avait déployé une « border force » à la frontière franco-italienne, dont 120 militaires de l’opération Sentinelle, plus de 150 gendarmes et policiers, et des drones. Durant deux années, la Défenseure des droits, Claire Hédon a enquêté sur les contrôles effectués quotidiennement par cette « border force » dans les Hautes-Alpes et les Alpes-Maritimes. Elle conclut, sans détour, sur l’irrespect de la « directive retour » prévue par le droit européen.

Des refoulements illégaux face au droit européen

Lors de leur entrée sur les territoires, les personnes traversant les Alpes de l’Italie à la France font face aux procédures ne respectant pas « les garanties juridiques minimales de la directive retour, telles que le recours à une procédure équitable et transparente ». À leur arrivée sur le sol français, la situation des personnes exilées doit supposément être examinée individuellement, elles doivent avoir accès à un interprète et se voir exposer un motif de décision de refus « en fait de droit ». Or, ces droits ne sont pas appliqués, et ce sur une « zone frontalière très étendue et imprécise, ce qui est en contradiction avec le droit européen », alerte l’enquête de Claire Hédon.

Pour les frontières européennes dites « intérieures », le principe de libre circulation s’impose à travers le « Code frontières Shengen ». Mais depuis 2015, la France a rétabli les contrôles par le biais d’une mesure d’exception, renouvelée sans cesse. En février 2024, ce code est modifié. Désormais, « en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État » les contrôles sont possibles. Une nouvelle mesure introduite par le Parlement et le Conseil européen permet aussi l’autorisation du transfert « des ressortissants de pays tiers appréhendés dans la zone frontalière et séjournant illégalement sur son territoire vers l’État membre d’où ils sont directement arrivés ».

Pourtant, la Cour de justice de l’Union européenne et le Conseil d’État rappelaient récemment l’obligation pour les États membres « d’appliquer les garanties juridiques minimales » pour que les « droits fondamentaux soient respectés ».

Des « conditions indignes » et des « entraves graves »

Plus loin dans son rapport, la Défenseure des droits rapporte qu’« un grand nombre de personnes interpellées se retrouvent enfermées pendant plusieurs heures voire une nuit entière, dans des locaux présentés comme des espaces de « mise à l’abri », sans fondement légal et dans des conditions indignes ».

Claire Hédon précise que sont concernées des « personnes vulnérables, notamment des familles, des mineurs et des demandeurs d’asile ». Ces derniers, censés bénéficier d’un accueil spécifique, font face à une « entrave grave », contraire au droit d’asile : la « non-entrée ». S’ils sont considérés comme « non entrés », les demandeurs d’asile sont alors directement refusés d’entrée sur le territoire et leur demande d’asile n’est pas prise en compte. Pareillement, les mineurs accompagnés ou non sont victimes de « lourdes atteintes à leurs droits », par des « procédures entravant leur accès à la protection de l’enfance », note la Défenseure des droits.

La Défenseure des droits appelle, en outre, « à faire cesser, dans les plus brefs délais, les procédures et pratiques constatées et à mettre fin aux atteintes multiples portées aux droits des personnes qui sont contrôlées et interpellées à la frontière franco-italienne ». Près de 33 000 personnes ont été refoulées en 2023, et plus de quarante sont décédées en traversant les Alpes franco-italiennes en 10 ans, selon Info Migrants.

 

LA GAUCHE UNIE


 

samedi 27 avril 2024

Casino : le distributeur s’apprête à sabrer dans ses effectifs, jusqu’à 3 267 emplois menacés

La nouvelle direction de Casino a annoncé le 24 avril aux syndicats les contours de son « plan de réorganisation », qui prévoit la suppression de 1 293 à 3 267 emplois. Une saignée des effectifs redoutée par l’intersyndicale du groupe, sur fond de cession massive de ses magasins et de rachat par le duo d’actionnaires Kretinsky-Lacharrière.

La saignée redoutée par les syndicats se confirme. La nouvelle direction de Casino, passé en mars dernier aux mains de nouveaux actionnaires, le duo de milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, leur en a soumis l’ampleur lors d’une convocation ce mercredi 24 avril. Entre 1 293 et 3 267 postes pourraient disparaître au sein du groupe, selon le nouveau « projet de réorganisation », sur fond de cession de la quasi-totalité de ses hypers et supermarchés à Intermarché, Auchan et Carrefour.

À la perte de 2000 postes dans les magasins et les entrepôts s’ajouterait la suppression de 500 autres au sein du siège historique du groupe, à Saint-Etienne, qui en compte actuellement 1 564. Les autres sièges, dont les syndicats pensaient jusque-là qu’ils seraient épargnés, pourraient également subir la perte de quelque 700 postes.

Le scénario pourrait s’avérer encore plus sombre si les quelques magasins encore restants dans le giron du distributeur et certaines de ses plateformes logistiques n’ont pas trouvé de repreneurs d’ici septembre : 1 974 salariés de plus pourraient être alors laissés sur le bas-côté.

« Même si on s’y attendait, ces chiffres sont un choc », a réagi auprès de l’Humanité Jean Pastor, le délégué syndical Central CGT Géant Casino, selon qui cette décision serait le résultat du travail de sape lancé de longue date par l’ancienne direction du groupe, menée par l’ex-grand banquier Jean-Charles Naouri, patron tout-puissant durant trente ans.

Casse sociale sans précédent

Prévue pour le 6 mai, une réunion des comités sociaux et économiques devrait, selon le distributeur, plancher sur un « projet de plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE), conduit parallèlement aux négociations avec les syndicats pour en définir le contenu. Casino « proposera une phase de départs volontaires pour les salariés concernés » par un PSE « présentant un projet professionnel, afin de limiter autant que possible le nombre de départs contraints », selon un communiqué de la direction.

L’intersyndicale de Casino (FO, CGT, CFDT, UNSA, CFE-CGC) n’a eu de cesse au cours des derniers mois d’alerter sur la « casse sociale sans précédent » qu’ils anticipaient face à un « dépeçage » mené à marche forcée, sans considération pour l’avenir des salariés, soumis aux choix d’investisseurs guère soucieux de leur sort.

Pendant longtemps l’un des plus gros employeurs de Saint-Etienne et du département de la Loire, Casino, 125 ans après sa création, s’est endetté à hauteur de 6,4 milliards d’euros et amorce, avec l’annonce de ces suppressions d’emplois et ces ventes à la découpe, une nouvelle étape dans sa lente agonie.

 

Saint-Martin-d’Hères. Un parfum d’œillets


 

Les membres du collectif 25 avril animé par Manuel Branco, le maire David Queiros, la conseillère départementale Franàoise Gerbier et des élus de la ville de Saint-Martin-d’Hères.

La Ville de Saint-Martin d’Hères a commémoré le cinquantième anniversaire de la révolution portugaise en inaugurant une “Place de la Révolution des oeillets – 25 avril 1974”.

En bordure de l’ensemble Neyrpic, accueillant une des trois futures entrées du pôle de vie, la “Place de la Révolution des oeillets” a été provisoirement inaugurée ce 25 avril 2024. Provisoirement, car les travaux d’aménagement ayant pris un peu de retard, elle est encore en chantier et sera très officiellement installée le 25 avril 2025 sur ses 3500 m2.

Quoi qu’il en soit, l’intention et la commémoration étaient effectives en présence d’une assistance fournie à laquelle participaient, non sans émotion, de nombreux Portugais ou enfants de réfugiés.

Syndicats retraites Vizille Nupes

Commémoration
Ce 25 avril marque le 50e anniversaire de le révolution qui renversa la dictature fasciste portugaise instaurée par Antonio de Oliveira Salazar et prolongée par Marcelo Caetano qui opprimait le pays ainsi que les peuples colonisés, depuis de trop longues années. Il était important de le célébrer.
L’histoire en a été rappelée ces jours-ci. Il est peu après minuit en ce 25 avril 1974, lorsque retentissent sur les ondes de Radio Renascença les paroles de Grândola, Vila Morena, une chanson interdite par le régime. Le moment est venu pour les soldats de l’armée portugaise – ulcérés par les guerres coloniales – de renverser “la plus vieille dictature d’Europe” instaurée en 1933.

Une ouverture vers la démocratie, une révolution porteuse d’antimpérialiste et anticoloniale, même si de nombreuses avancées ont été rognées depuis.

Inauguration
Dévoilement de la plaque par le maire David Queiros et la Première adjointe Michèle Veyret, chant portugais, présentation des lieux et du contexte ont illustré une initiative chaleureuse où le soleil était de la partie. Une occasion aussi de saluer le travail effectué par le collectif 25 avril réuni autour de Manuel Branco, lui qui a fui la dictature et la guerre coloniale à 19 ans avant d’entrer dans la Résistance contre celles-ci à Saint-Martin-d’Hères.

Une cérémonie qui a pu raviver souvenirs et combativité.

Rendez-vous au même endroit le 25 avril de l’année prochaine sur une place entièrement équipée.

Nupes PS retraites Vizille

vendredi 26 avril 2024

André Chassaigne Député du Puy-Dôme


 

Léon Deffontaines : « La voix de la France doit être réaffirmée plutôt que diluée »

Nous entamons ce mercredi avec Léon Deffontaines (PCF) une série d’interviews des principales têtes de liste aux élections européennes. Le jeune homme de 28 ans, qui conduit une liste communiste d’ouverture, mène campagne en tendant la main aux orphelins du « non » au référendum de 2005 sur la constitution européenne et en mettant le travail au cœur de son projet dans la ligne de Fabien Roussel, son mentor.

Vous êtes candidat aux élections européennes mais vous voulez moins d’Europe. Est-ce cohérent ?

« C’est d’autant plus cohérent que la question posée est de savoir quelle Europe nous voulons. Nous avons besoin de coopération européenne mais pas de l’Europe que nous subissons, qui tend à légiférer sur tout. Nous devons réaffirmer ce qu’était l’Europe à l’origine, une coopération entre États souverains. »

Vous êtes candidat aux élections européennes mais vous voulez moins d’Europe. Est-ce cohérent ?

« C’est d’autant plus cohérent que la question posée est de savoir quelle Europe nous voulons. Nous avons besoin de coopération européenne mais pas de l’Europe que nous subissons, qui tend à légiférer sur tout. Nous devons réaffirmer ce qu’était l’Europe à l’origine, une coopération entre États souverains. »

« Il faut rester dans l’institution, mais la transformer, donc sortir de certains traités. Sur l’énergie par exemple, nous sommes pour une remise en cause du marché européen de l’électricité. Il faut soumettre au référendum de nouvelles règles européennes. La France est le peuple européen le plus méfiant vis-à-vis de l’Europe. Cela ne s’arrangera pas si on n’est pas capable de reprendre la main sur les décisions prises au niveau européen. »

« Je ne serai pas député européen mais député de la France au Parlement européen »


 

jeudi 25 avril 2024

Les mercenaires de la finance, lettre d’avril 2024


 Edito d’André Chassaigne, lettre des députés, avril 2024

Le déficit public de la France a atteint 5,5% du produit intérieur brut (PIB) sur l’année 2023, contre les 4,9% prévus par le budget imposé au Parlement à l’automne. Une véritable sortie de piste pas totalement inattendue tant les prévisions du gouvernement étaient optimistes. Le Haut Conseil des finances publiques avait d’ailleurs appelé à une forme de prudence concernant ces chiffres.

Loin de reconnaître une erreur d’appréciation ou de remettre en cause sa politique économique et budgétaire, le grand maître de la stratégie du choc, Bruno Le Maire, s’est empressé d’annoncer sa « détermination totale » à trouver des « économies complémentaires »… tout en démentant avec virulence la mise en place d’un plan d’austérité !

Pris en flagrant délit de débâcle budgétaire, le Premier ministre s’est lui lancé dans une énième offensive contre les chômeurs désignés comme profiteurs. Quand il s’agit d’accélérer la destruction des acquis sociaux pour ne pas s’en prendre aux vrais responsables, le chef de bande tire plus vite que son ombre.

A l’opposé, dans leur course au grisbi, les mercenaires de la finance oublient qu’en France, en 2023, 100 milliards d’euros de dividendes ont été versés aux actionnaires et près de 200 milliards d’euros d’aides l’ont été aux grandes entreprises, sans critères et sans contreparties.

Invités à nous rendre à Bercy pour des consultations visant à trouver de nouvelles pistes pour racler les fonds de tiroir et faire la poche des citoyens, nous avons refusé de participer à cette mascarade. Nous sommes convaincus que ce sont sur les recettes et non sur les dépenses qu’il est urgent d’agir. Nos propositions en la matière sont nombreuses, sérieuses et soutenues par nos concitoyens.

Comme toujours, le gouvernement agit dans la précipitation et veut taper fort. Des coupes brutales sont à prévoir dans tous les secteurs, y compris dans ceux qui sont en souffrance. Convoquées le 9 avril, nos collectivités pourraient elles aussi être mises à rude épreuve, ce qui aura inévitablement des conséquences directes sur la vie de nos concitoyens.

Le 30 mai, lors de notre journée réservée, nous ferons entendre une autre voix et mettrons à l’ordre du jour des textes pour contraindre le gouvernement et la majorité à débattre et à se prononcer sur des sujets qu’ils refusent d’aborder. Ce sera notamment le cas du CETA que l’exécutif bloque délibérément pour ne pas affronter le refus de la représentation nationale.

Royaume-Uni : la loi sur l’expulsion des migrants vers le Rwanda suscite un tollé

Le projet du Royaume-Uni d’expulser des migrants vers le Rwanda a été validé lundi 22 avril. Le premier ministre Rishi Sunak a assuré que rien n’empêchera son exécution et que les premiers charters pourraient décoller d’ici 10 à 12 semaines. Le texte est unanimement dénoncé par les associations de défense des droits et l’ONU appelle le gouvernement britannique à « reconsidérer son plan ».

« Nous sommes prêts », « ces vols décolleront, quoi qu’il arrive », a martelé, lundi 22 avril, le premier ministre britannique Rishi Sunak, lors d’une conférence de presse, à propos du projet de son gouvernement d’expulser les migrants vers le Rwanda, quelle que soit leur nationalité. Un projet maintes fois retoqué, mais qui a finalement été validé lundi soir par les Chambres des Lords après son adoption à la Chambre des communes.

La réponse de l’exécutif aux 30 000 personnes ayant traversé clandestinement la Manche à bord de canots de fortune en 2023 fait l’objet de vives critiques parmi les associations d’aide aux migrants, l’opposition travailliste mais aussi jusqu’à l’ONU. Elle va « à l’encontre des principes fondamentaux des droits humains », avait notamment jugé son Haut-Commissaire aux droits de l’homme Volker Türk. Après l’adoption, l’ONU a appelé le gouvernement britannique à « reconsidérer son plan » dénonçant des lois britanniques « de plus en plus restrictives qui ont érodé l’accès à la protection des réfugiés » depuis 2022.

« Une violation des droits humains protégés au niveau international »

Le texte avait d’ailleurs été retoqué à l’automne dernier par la Cour suprême du Royaume-Uni qui avait jugé illégal ce projet d’expulsions des demandeurs d’asile en raison des risques qu’ils encourent. Pour y parer, le projet a été remodelé et adossé à un nouveau traité entre Londres et Kigali qui définit le Rwanda comme un pays tiers sûr et prévoit le versement de sommes substantielles en échange de l’accueil des migrants.

« Aucune cour étrangère ne nous empêchera de faire décoller les avions », a également insisté Rishi Sunak, alors que de premières expulsions vers le Rwanda avaient été bloquées par la justice européenne. Poussé par l’aile droite de sa majorité, le chef de gouvernement s’était même dit prêt à sortir des traités internationaux si nécessaire. Il déclare désormais que des « avions charter » ont d’ores et déjà été réservés et pourraient décoller d’ici 10 à 12 semaines.

Les compagnies et autorités aériennes qui faciliteraient ces vols « pourraient être complices d’une violation des droits humains protégés au niveau international », ont pour leur part estimé lundi les rapporteurs spéciaux auprès des Nations unies sur le trafic d’êtres humains, sur les droits des migrants et sur la torture. Le commissaire du Conseil de l’Europe pour les droits de l’homme, Michael O’Flaherty, a qualifié, de son côté, cette loi d’« atteinte à l’indépendance de la justice ».

Un plan, par ailleurs, jugé « impraticable », « brutal » et « qui ne réussira pas à mettre fin aux traversées de la Manche » par le directeur général de l’organisation Care4Calais Steve Smith, rapporte l’AFP. Le gouvernement devrait « se concentrer plutôt sur la tâche vitale consistant à traiter les demandes d’asile de manière juste et rapide », a aussi réagi Enver Solomon, du Refugee Council. C’est une « honte nationale » et il « laissera une tache sur la réputation morale de ce pays », a ajouté, dans un communiqué, Sacha Deshmukh, à la tête d’Amnesty International au Royaume-Uni, tandis qu’Amnesty, Freedom from Torture et Liberty, dénonce « une menace significative pour l’Etat de droit ».