dimanche 21 avril 2024

Analyse Erasmus, un remède très limité au désintérêt des jeunes pour l’UE

Ce programme de mobilité est souvent mis en avant comme une réussite de la construction européenne, mais les étudiants ayant pu en bénéficier représentent en réalité une infime partie, la plus favorisée, de la jeunesse française.


 Coup de foudre à Stockholm. C’est dans une faculté suédoise que Roxanna, roumaine, a rencontré son conjoint, Gert, natif de Belgique, lors d’un Erasmus où elle étudiait la géographie et lui le droit. Chez eux, à Bruxelles, on s’aime en anglais, leur langue commune. Cette belle histoire, rapportée par RFI, montre à quel point le programme Erasmus incarne, aux yeux de beaucoup, une grande réussite européenne, qui permet de contrebalancer par un soupçon de romantisme l’image de froide technocratie renvoyée par l’UE.

À l’approche du scrutin, alors que la démobilisation de la jeunesse inquiète les partis politiques, le programme Erasmus reste même vanté par certains, à l’instar du candidat socialiste Raphaël Glucksmann, comme un des leviers qui permettraient de « construire un peuple européen ». Et, donc, un éventuel remède au désintérêt des moins de 30 ans pour les institutions de l’UE.  « Nous n’avons pas de données électorales qui permettent d’établir comment votent les Erasmus. En revanche, on peut dire que ce n’est pas un programme populaire. Cela concerne moins de 10 % des étudiants français. Parler de jeunesse ou de génération Erasmus, c’est largement disproportionné », tempère toutefois Magali Ballatore, chercheuse en sociologie à l’université d’Aix-Marseille.

130 000 étudiants en 2022 ont choisi Erasmus

En 2022, 130 000 étudiants français sont partis à l’étranger dans le cadre de ce dispositif, lancé en 1987 à l’initiative de Jacques Delors. En 2023, un peu moins de 200 000. Rapportés aux 2,9 millions d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur en 2023, les Erasmus représentent une petite minorité de la jeunesse diplômée. Et carrément une goutte d’eau chez les moins de 29 ans, si on y ajoute les 6,4 millions de jeunes qui ne sont pas étudiants.

Erasmus reste réservé à une élite. « Les jeunes ayant un capital culturel international sont surreprésentés, reprend Magali Ballatore. Ce sont souvent des personnes qui ont déjà une expérience de la mobilité, par leur famille, qui ont la maîtrise de plusieurs langues, qui ont fait des séjours linguistiques. » Ces prérequis ne sont pas à la portée de tous les milieux sociaux, d’autant que l’offre de mobilité dépend énormément de l’établissement retenu : « Les partenariats prestigieux sont réservés aux écoles prestigieuses. Vous n’avez pas la même offre Erasmus en école de commerce ou à Sciences-Po que dans une université publique de province. »

Cette jeunesse qui va bien serait plus encline à regarder d’un bon œil l’UE, selon une étude publiée en janvier 2023 par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). Sans que cela préjuge de leur vote, les jeunes les plus diplômés, qui se déclarent confiants dans leur avenir, sont plus favorables au projet européen tel qu’il est mené et sont davantage au fait du fonctionnement des institutions et des politiques publiques européennes. À l’inverse, les individus les moins diplômés et les plus précaires, étrangers au rêve d’hypermobilité vanté par Erasmus, portent un regard plus négatif sur Bruxelles. Ou sont simplement indifférents.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire