Après le cinéma, le sport, les médias, la politique, l’enseignement supérieur… le milieu médical français va-t-il à son tour connaître son mouvement #MeToo ? En accusant le célèbre urgentiste Patrick Pelloux d’être un « prédateur sexuel », l’infectiologue Karine Lacombe a peut-être engagé une libération de la parole dans la médecine. À en juger par les réactions que suscite son témoignage, il n’était que temps.
Dans une enquête publiée le 10 avril par Paris Match, la cheffe du service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, accuse Patrick Pelloux de « harcèlement sexuel et moral » à son encontre, mais aussi à l’égard du personnel féminin de l’hôpital en général. Remarques sexistes, attitudes obscènes et attouchements potentiellement constitutifs d’agressions sexuelles caractérisaient, selon elle, le comportement de l’urgentiste : « Une main entre les cuisses, un effleurage de seins, des allusions grivoises », etc. Dans le même article, celui-ci se justifie en évoquant de simples « comportements grivois » qui seraient « infaisables aujourd’hui ».
« Libérer les prises de parole privées »
Deux anciennes ministres de la Santé, Agnès Buzyn et Roselyne Bachelot, ont depuis appuyé les déclarations de Karine Lacombe en affirmant que le cofondateur de l’Amuf (Association des médecins urgentistes de France, qu’il préside toujours) se serait vu refuser pour ces raisons le poste de chef des urgences de Saint-Antoine, avant d’être « exfiltré » de cet hôpital.
Karine Lacombe avait déjà dénoncé ces faits précédemment, mais sans nommer leur auteur, ce qu’elle explique aujourd’hui par la volonté de « montrer que c’est un problème systémique, avec des gens, en particulier des femmes, qui se taisent et qui subissent ». Dans le Parisien, elle justifie aujourd’hui « une prise de parole publique pour libérer les prises de parole privées ». À en juger par les réactions et témoignages qui affluent sur les réseaux sociaux, concernant aussi bien des médecins, infirmières ou étudiantes en médecine que des patientes, l’objectif est atteint.
Du côté des étudiants, la présidente de l’Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France), Kahina Sadat, a déclaré à France Info que des comportements comme celui du Dr Pelloux sont des choses « connues par les équipes soignantes, par le milieu médical, depuis des années et des années ». En 2021, l’association avait d’ailleurs mené une étude révélant que 15 % des étudiants en médecine avaient subi une agression sexuelle.
Et quand, dans Paris Match, Patrick Pelloux tente de minimiser les faits d’un « c’était pour rigoler », Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG (Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale) lui répond en évoquant la « culture carabine » des étudiants en médecine, « imprégnés de cette culture du viol ». Au-delà du cas personnel de Patrick Pelloux, c’est pour agir sur ce point qu’un #MeToo hôpital peut s’avérer, aussi, salvateur.
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