Une soudaine montée à la capitale. Mercredi 3 avril, le groupe SEB, propriétaire de la marque Tefal dont les ustensiles de cuisine sont accusés de contenir des polluants éternels (dits Pfas), a prévu d’affréter des cars gratuitement pour tous ses salariés désirant se rendre à Paris. Ils partiront de la Côte-d’Or, de Mayenne, de la Manche, du Rhône ou encore des Hautes-Pyrénées. Destination : l’Assemblée nationale, où sera discutée, le lendemain, la proposition de loi, portée par les écologistes, visant à interdire les Pfas. Et où SEB entend bien organiser une manifestation pour faire pression sur les députés.
Côté lobbys, l’heure est donc à la contre-attaque. Cette loi « menace trois mille emplois », cingle le président de SEB, Thierry de La Tour d’Artaise, dans une interview à la Tribune Dimanche, abondamment reprise par la presse régionale. Ses derniers jours, les employés de son entreprise ont donc été incités via des mails internes, rendus publics notamment par la militante Camille Étienne, à poser une journée (décomptée de leurs congés) et à aller manifester.
Chantage à l’emploi
« L’entreprise joue sur la crainte des salariés, en puisant dans un vocabulaire presque syndical, relève Agnès Naton, secrétaire régionale de la CGT en Auvergne-Rhône-Alpes. C’est une forme de chantage à l’emploi, similaire à celui que l’on a vécu lors du scandale de l’amiante, alors que les salariés sont concernés par des taux extrêmement élevés de Pfas, préoccupants pour leur santé. »
Nicolas Thierry, le député écologiste à l’origine du texte de loi, soupire : « Ce qui met en péril les emplois, c’est qu’un industriel soit pris en flagrant délit de non-anticipation. Les Pfas, cela fait plus de vingt ans que l’on sait qu’ils existent et qu’il faudra tôt ou tard faire sans. L’emploi est un des ressorts de la contre-offensive de l’industrie. »
Outre l’argument de la compétitivité à l’export, Thierry de La Tour d’Artaise affirme en effet que la loi serait mal conçue. Injuste, elle entretiendrait, selon lui, la confusion entre tous les composés Pfas, y compris ceux de son entreprise, qu’il assure inoffensifs, sur la base de « centaines d’études » qui, pourtant, n’ont pas été rendues publiques. « C’est une démarche assez classique. Il cherche à décrédibiliser le socle scientifique de la loi, soupire Nicolas Thierry. Notre loi repose précisément sur les recherches des autorités sanitaires, de l’Inserm notamment. »
Le lobby industriel espère mettre d’abord les élus macronistes de son côté. Le député Modem Cyrille Isaac-Sibille, auteur d’un rapport sur les Pfas qui préconisait, début février, de n’accorder aucune dérogation pour les objets en contact avec des denrées alimentaires, a déjà changé d’avis. En commission, le même député, quelques semaines plus tard, a déposé un amendement pour cette fois exclure les ustensiles de cuisine du champ d’application de la loi. En vain.
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