lundi 22 avril 2024

Le plan tout répressif de Gabriel Attal préoccupe l’UNICEF

Le plan d’autorité contre la violence des jeunes, annoncé par Gabriel Attal en visite officielle à Viry-Châtillon (Essonne), le 18 avril, suite à la mort de Shemseddine deux semaines plus tôt, inquiète vivement l’UNICEF.


 « La culture de l’excuse, c’est fini ». Gabriel Attal a énuméré de nouvelles annonces visant à endiguer « l’addiction d’une partie de nos adolescents à la violence », lors de sa visite à Viry-Châtillon. Cette prise de parole intervient deux semaines après la mort de Shemseddine, un jeune de 15 ans passé à tabac à la sortie de son collège dans la ville d’Essonne, et d’une adolescente de 13 ans dans l’Oise.

Célébrant son 100e jour à Matignon, le Premier ministre a demandé un « sursaut d’autorité » depuis le parvis de l’Hôtel de ville. Il a annoncé ouvrir huit semaines de « travail collectif » sur la lutte contre la violence d’une partie des jeunes, dans le cadre du Grenelle des violences sollicité par Emmanuel Macron en Conseil des ministres.

De son côté, Adeline Hazan, directrice de l’antenne française de l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’enfance), s’inquiète déjà de mesures « fondées uniquement sur un objectif répressif, et non éducatif ou préventif, et qui est contraire à l’esprit de la justice des mineurs ».

Un plan d’autorité, vraiment autoritaire

Les « sanctions » sont le leitmotiv du plan d’autorité, le terme a longuement été répété par Gabriel Attal ce 18 avril. Pour contrer ce qu’il qualifie de « glissement d’une partie de nos adolescents à cause de l’addiction aux écrans, des violences et des incivilités », le Premier ministre prévoit des punitions pour les parents, des déplacements pour les jeunes ou des heures supplémentaires pour les établissements.

Entre autres, Gabriel Attal a annoncé que les jeunes « les plus difficiles » pourraient être éloignés de leur établissement et envoyés en internat. Des mentions, qui pourraient être supprimées par des travaux d’intérêt général, seraient apposées dans leur dossier Parcoursup, et ils pourraient être sanctionnés sur leur brevet, leur CAP ou leur Bac.

Les collégiens pourraient être accueillis de 8 heures à 18 heures, soit 50 heures par semaine, dans leur établissement, et ce « à commencer par les quartiers prioritaires ». Le nombre de cours d’enseignement moral et physique augmenterait et les cours d’empathie déjà expérimentés dans plusieurs écoles maternelles et primaires, sera généralisé à tous les établissements. Le Premier ministre a aussi annoncé qu’il prendrait prochainement des mesures pour réguler les réseaux sociaux.

Les parents d’élèves « défaillants » devraient quant à eux régler des amendes ou effectuer des travaux d’intérêt général pour les erreurs et les comportements de leur enfant.

« Faire inscrire dans un dossier Parcoursup qu’un jeune est « fauteur de trouble », c’est « le stigmatiser définitivement pour le reste de ses études », alarme Adeline Hazan. Ces mesures ne sont pas « suffisamment ancrées dans la prévention et l’accompagnement des familles, des professionnels et des jeunes auteurs de violences », reprend la présidente d’UNICEF France.

Un danger pour la justice des mineurs ?

Le Premier ministre souhaite aussi s’attaquer à la justice des mineurs. Il pourrait ainsi réviser l’excuse de minorité. À l’heure actuelle, ce principe juridique permet aux jeunes d’être sanctionnés moins durement que les majeurs. Dès 16 ans les jeunes pourraient passer en comparution immédiate, contre 18 ans aujourd’hui.

La suppression de l’excuse de minorité est « contraire au droit des mineurs qui se fonde sur le fait qu’un mineur ne peut pas être condamné comme un majeur », souligne Adeline Hazan, avant de trancher, « ce serait un recul gigantesque“. De même, le passage à 16 ans de la comparution immédiate choque la présidente d’UNICEF France. “La comparution immédiate est déjà très critiquable pour les adultes, parce que c’est une justice accélérée et très souvent expéditive.

Alors la rendre applicable à des mineurs de 16 ans, ce serait vraiment contraire à la justice des mineurs ». Depuis l’ordonnance du 2 février 1945, qui fonde le droit des mineurs, les jeunes ne sont pas déférés aux juridictions pénales de droit commun, mais aux cours d’Assises pour mineurs ou aux tribunaux pour enfants. C’est cette ordonnance qui établit le principe selon lequel « le droit des mineurs repose sur la primauté de l’éducatif sur le répressif. »

La base du travail de l’UNICEF et sa directrice française Adeline Hazan, est la Convention internationale des droits de l’enfant. « Son article 3 dit que l’intérêt de l’enfant doit être recherché dans toutes les décisions qu’il concerne. Et son article 40 qu’un droit des mineurs doit toujours être un droit spécifique », précise Adeline Hazan, qui ne perçoit aucun de ces points dans les mesures exposées par Gabriel Attal.

« Il pourrait y avoir des recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU », avertie Adeline Hazan. En juin 2023 déjà, le Comité avait adressé plusieurs recommandations et condamnations à l’État français, notamment sur la non-protection des mineurs non accompagnés durant leur période d’évaluation d’âge.

« Chaque fois qu’on rencontrera des ministres on leur fera part de nos inquiétudes », poursuit la directrice d’UNICEF France, qui ne compte pas en rester là. Pour elle, pas de doute, ce n’est pas ce « type de mesures, à des fins que je pense politiciennes, qu’on arrivera à régler le problème de ces jeunes ».

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