Rassemblement samedi 8 juin 2024 d’opposants au projet d’autoroute A69 reliant Toulouse et Castres.
Tout avait bien commencé. À l’arrivée sur le site, des milliers de tentes jonchent la plaine, entremêlés de drapeaux palestiniens, queer et de Kanaky Nouvelle-Calédonie. Une fois de plus, dans ces champs, Woodstock renaît de ses cendres. En contrebas, les manifestants déambulent dans un immense campement. Beaucoup s’amassent sous les chapiteaux plantés dans la terre, tant la chaleur écrase les corps. Mais pas leur détermination : « On a la rage de vaincre ! » s’écrie un membre d’Extinction rebellion dans son discours.
Le Tarn est une fête
Qu’ils soient tarnais ou d’ailleurs, ils ont tous le même objectif : mettre un terme à un projet d’autoroute qu’ils jugent à la fois inutile pour l’Homme et néfaste pour le vivant. Parmi ceux venus du coin, des paysans posent fièrement devant leur tracteur. C’est qu’ils veulent peser dans cette lutte dont certains partisans répètent à l’envi qu’elle est majoritairement soutenue dans le département.
L’ambiance est festive sur le camp. Certains sont présents en famille, accompagnés de leurs enfants. D’autres promènent leur chien. Un autre encore, son âne. Sous ce soleil ardent, casquettes, keffiehs et autres couvre-chefs sont de sortie. Un stand distribue des masques en papier à l’effigie de Michel Vilbois. Le préfet du Tarn est régulièrement vilipendé en raison des actions controversées des forces de l’ordre pour déloger les écureuils nichés dans les arbres.
Ces défenseurs de l’environnement sont la tête de proue de l’opposition à l’A69. « Pour ce week-end d’avant élections, les autorités ont sorti le grand jeu », ironise Thomas Brail. Environ 1 600 gendarmes et policiers sont mobilisés pour l’occasion. « Ils réussissent à dégoûter les gens, mais si nous cédons à la peur, nous n’arriverons à rien », estime le militant écologiste. Nous croisons la route de Véronique. La Tarnaise était déjà présente en mars dernier sur la ZAD de la Crem-Arbre pour soutenir les écureuils. Malgré l’inquiétude, elle a tenu à être présente : « La stratégie de diabolisation du gouvernement est dégueulasse. Il fait tout pour faire peur aux gens et, malheureusement, ça marche. »
Criminalisation d’une lutte « pour le vivant »
Prédisant un rassemblement « extrêmement violent », le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé mardi face aux députés l’interdiction de ce nouveau week-end de mobilisation à l’appel des Soulèvements de la Terre. Peu d’élus ont répondu à l’appel, à l’exception de Christine Arrighi. Pour la députée écologiste de Haute-Garonne, également rapporteuse de la commission d’enquête sur le montage juridique et financier de l’A69 à l’Assemblée nationale, « la question n’est pas de s’opposer à tous les projets autoroutiers, mais de les questionner à l’aune du changement climatique ». Agacée par la stratégie de l’exécutif de jeter de l’huile sur le feu, l’élue tient cependant à « dénoncer toutes les violences, d’où qu’elles soient et d’où qu’elles viennent ».
Sur le camp, l’ambiance est chaleureuse, mais n’en est pas moins pesante. Pour organiser au mieux la manifestation, les organisateurs ont imaginé quatre cortèges : un bleu, un jaune, un vert et un rose. Ils s’élancent séparément. Le rose, suivi du bleu, s’enfonce dans la forêt. À l’avant, des DJ campés dans des camionnettes font raisonner la musique techno. Plus loin, fanfares et tambours galvanisent les foules. Une dizaine de participants se relaient pour porter une chauve-souris géante, manière de railler ceux qui diabolisent le mouvement. À quelques mètres, un autre arbore un bob entouré d’une pancarte : « Est-ce bien moi le terroriste ? »
Grenades de désencerclement
Trente minutes à peine après le départ, les esprits s’échauffent. Arrivés sur une route, les opposants font face à une colonne fournie de forces de l’ordre. Ils rebroussent chemin et se séparent dans les champs. Très vite, les gazs lacrymogène recouvrent le paysage, tandis que les grenades de désencerclement stupéfient les manifestants postés plus loin sur les hauteurs. Un jeune Toulousain alerte son amie : « Regarde, là-bas, il y a un départ de feu ! » Tous deux sont ébahis par ce triste spectacle minutieusement vaticiné depuis le début de la semaine.
Le cortège jaune, emmené par la Confédération paysanne, se poste à quelques centaines de mètres. Sous le regard impassible des forces de l’ordre, les manifestants construisent une bergerie. Dans la matinée, les intéressés ont planté des semis paysans pour représenter une route sur une parcelle bientôt bitumée. Les heurts ne semblent pas entacher cette lutte « pour le vivant ».
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