À quelques jours des élections européennes et sur fond de tensions internationales, le président français compte bien instrumentaliser les cérémonies pour le 80e anniversaire du débarquement en Normandie qui auront lieu le 6 juin. Tout comme son homologue états-unien, Joe Biden, en campagne pour tenter de se faire réélire en novembre.
Les célébrations du 80e anniversaire du débarquement en Normandie, le 6 juin, ouvrent une séquence diplomatique et mémorielle clef pour un certain nombre de dirigeants occidentaux, en pleine campagne électorale. Avec la guerre en Ukraine, la confrontation qui se dessine face à un Sud global, cette cérémonie internationale initiée en 1984 par le président François Mitterrand va rassembler à Saint-Laurent-sur-Mer, sur Omaha Beach, de nombreux chefs d’État et de gouvernement : Emmanuel Macron, Joe Biden, Charles III, Olaf Scholz et Rishi Sunak. L’autre élément important de ces commémorations sera l’hommage aux victimes civiles de cette opération militaire.
Macron ne perd pas de vue les Européennes
Le hasard du calendrier n’a pas échappé aux équipes d’Emmanuel Macron. Trois jours avant le scrutin des européennes, le 9 juin, le chef de l’État disposera lors des commémorations du débarquement d’une tribune politique exclusive, sans contradicteur ni décompte de temps de parole. De sept tribunes, même, puisque le président de la République a prévu sept étapes et autant de discours, du 5 au 7 juin, de Saint-Marcel, dans le Morbihan, à Cherbourg-en-Cotentin, où est programmée une intervention à la Cité de la mer sur le thème de l’armée.
Parmi les thématiques qui devraient être mises en avant, l’Élysée évoque la sécurité du continent européen avec la guerre en Ukraine et la défense des valeurs démocratiques. De quoi saturer les chaînes de télévision avant le passage aux urnes. Ses discours risquent d’être d’autant plus nourris d’arrière-pensées électorales qu’ils feront écho à ceux du président américain Joe Biden. Les deux dirigeants ont un intérêt commun à mettre en scène leur coopération et la défense des libertés. Emmanuel Macron a insisté pour que son homologue reste plusieurs jours en France.
La campagne américaine s’invite en Normandie
Joe Biden et Donald Trump, qui s’affronteront à l’élection présidentielle aux États-Unis en novembre prochain, pourraient se retrouver aux cérémonies du 6 juin. Le second, en sa qualité d’ancien président, a été invité par l’Association américaine des vétérans, au même titre que Barack Obama, George W. Bush et Bill Clinton. Le superintendant du cimetière américain de Colleville-sur-Mer, Scott Desjardins, explique qu’aucun face-à-face ne sera prévu. « Joe Biden sera sur la tribune principale avec Emmanuel Macron et probablement des vétérans. Tandis que Donald Trump, s’il vient, sera sur une autre avec les autres anciens présidents et les officiels américains et français », précise-t-il.
Les deux candidats s’opposent sur la future diplomatie américaine. Donald Trump s’est encore démarqué en affirmant que les dirigeants russe, chinois, nord-coréen et hongrois étaient « au sommet de leur forme, que cela vous plaise ou non » et qu’il fallait dialoguer avec eux. Il a également déclaré que s’il était élu pour un second mandat, il amènerait les États-Unis dans une position où « le monde nous respecterait à nouveau ». Sur la thématique de la démocratie, Joe Biden avait dès le début de son mandat organisé un sommet.
Des grands principes que le président ne respecte pas, à commencer par la justice internationale, en condamnant la décision de la CPI de délivrer des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou, son ministre de la Défense et les dirigeants du Hamas et en promettant des sanctions contre l’instance internationale. « Non seulement les États-Unis n’ont pas rejoint l’effort collectif en faveur de la justice internationale reflété dans la création de la CPI, mais ils veulent désormais la détruire ! Comment les États-Unis peuvent-ils parler franchement de l’ordre libéral international fondé sur des règles ? », s’interroge Jean-Marie Guéhenno, un diplomate français, spécialiste des questions de défense et des relations internationales.
Quid de la Russie ?
Au nom de la contribution de l’Armée rouge et du peuple de l’Union soviétique à la victoire sur l’Allemagne nazie, les autorités russes ont été systématiquement invitées. La seule exception remonte à 2019, aux célébrations du 75e anniversaire du « Jour J ». Emmanuel Macron n’avait pas invité Vladimir Poutine. Ce dernier était présent à celles du 60e anniversaire, en juin 2004, au côté de Jacques Chirac, ou à celles du 70e en 2014, malgré l’annexion de la Crimée trois mois plus tôt par la Russie.
Cette année encore, le président russe ne sera pas convié, « compte tenu des circonstances », a indiqué la Mission Libération, un groupement d’intérêt public qui dirige les célébrations pour le gouvernement. Elle a justifié ce choix par la « guerre d’agression » que le chef d’État russe mène en Ukraine. « La Russie sera toutefois invitée à être représentée pour que l’importance de l’engagement et des sacrifices des peuples soviétiques ainsi que sa contribution à la victoire de 1945 soient honorées », a-t-elle ajouté.
Mais un contre-ordre est finalement tombé de l’Élisez. « Il n’y aura pas de délégation russe. Les conditions ne sont pas réunies compte tenu de la guerre d’agression que mène la Russie contre l’Ukraine et qui s’est encore intensifiée ces dernières semaines », a fait savoir jeudi 30 mai la présidence française, dans la foulée des déclarations va-t-en-guerre d’Emmanuel Macron sur l’envoi d’« instructeurs militaires » et l’autorisation de « frappes sur des bases russes ».
En Russie, la Seconde Guerre mondiale, appelée la « Grande Guerre patriotique » demeure un événement fédérateur pour la société russe. Instrumentalisée par le pouvoir, elle constitue un pilier essentiel du patriotisme avec les 27 millions de morts soviétiques.
La paix, une grande oubliée
Avec la guerre en Ukraine, les dirigeants russes et occidentaux sont en pleine escalade : autorisation de frappes sur le territoire russe avec des armes britanniques et américaines via Kiev, hypothèse de l’envoi de troupes, Russie ayant accusé le président français Emmanuel Macron et les « représentants britanniques » de provoquer l’engrenage nucléaire. Cet anniversaire aurait pu relancer la paix, à l’instar du « format Normandie » lancé en 2014 après le premier conflit dans le Donbass et l’annexion de la Crimée par la Russie.
À l’époque, le président russe et son homologue ukrainien Petro Porochenko s’étaient parlé pour la première fois, en présence du président français François Hollande et de la chancelière allemande Angela Merkel. Ce 80e anniversaire aurait pu servir de point de départ à ce type de rencontre, d’autant que le président Volodymyr Zelensky pourrait être, lui aussi, présent aux cérémonies.
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