L’Association iséroise des amis des Kurdes (AIAK) tenait une conférence de presse le 5 juin pour alerter sur l’urgence de développer des actions de solidarité face à la répression que subissent les Kurdes en Turquie, Syrie, Iran, Irak mais également en France.
Chantal Morel a rappelé le déroulé de l’effroyable répression subie par Pinar Selek dont le cinquième procès se tiendra fin juin. « En 1994, Pinar Selek est en troisième année de sociologie, à l’université en Turquie. Un camarade kurde l’invite chez lui à Urfa, pour lui présenter sa famille. ‘’Là j’ai découvert, écrit-elle, une chose incroyable : les gens ne parlaient pas turc. J’ai découvert une autre culture, j’ai découvert un peuple et sa lutte. J’ai compris que l’état turc était véritablement en guerre contre les Kurdes. J’appartenais à l’identité dominante, je ne savais pas’’. Elle se lance alors dans une recherche de sociologie sur le mouvement armé kurde et réalise de nombreux entretiens en se déplaçant dans les villages, dans les montagnes de l’est anatolien, en Allemagne, en France… Le 11 juillet 98, elle est kidnappée dans la rue, poussée dans une voiture par des hommes en civil (elle pense que ce sont des proxénètes en colère, car elle essaye de sortir les prostituées du circuit de la prostitution). Mais ce ne sont pas des proxénètes et elle est emmenée au poste de police. L’interrogatoire commence, il s’agit de lui faire avouer les noms des militants kurdes qu’elle a rencontrés pour son enquête sociologique, ce qu’elle refuse catégoriquement. Durant 7, 8 jours, elle est torturée physiquement. »
Elle est incarcérée pour « aide à une organisation terroriste ». Une opération est alors menée pour lui faire porter la responsabilité d’un attentat qui n’a jamais existé et pour lequel elle comparait en justice. Le 23 mai 2008, Pinar Selek est acquittée pour la deuxième fois par la 12e cour pénale d’Istanbul. Elle s’enfuit, menacée d’emprisonnement.
Le 28 juin une journée de solidarité se tiendra à Lyon pour la troisième audience du cinquième procès, en présence de Pinar Selek.
Chantal Morel.
Elfie est ensuite intervenue pour un rappel historique de la bataille de Kobané (2014) et du procès intenté par le pouvoir turc, en mai dernier, pour condamner 108 militants·es ayant participé à des actions de solidarité avec les combattants syriens qui avaient mené une bataille victorieuse contre Daesh. Dix-huit personnalité kurdes étaient déjà en prison à l’ouverture du procès (dont Selahattin Demirtas , ex co président du parti HDP. Tous les prévenus ont été condamnés pour des peines allant de 4 ans à 42 ans d’emprisonnement.
Une des condamnées a déclaré : « ce n’est pas la justice qui nous condamne mais le parti présidentiel AKP ».
Elfie.
Zoya Vergain, présidente de l’association Iran solidarité, a pris la parole pour rendre compte de la mobilisation en cours pour la libération de Toomaj Salehi condamné à mort et de Saman Yasin condamné à cinq ans de prison, tous deux rappeurs Kurdes/iraniens et informer sur la situation en Iran.
Elle a notamment souligné la situation économique difficile en Iran avec 60% de la population en situation de pauvreté. Dans ce contexte la répression du pouvoir est catastrophique (834 pendaisons en 2023, 20 000 arrestaions depuis le début du mouvement « femmes, vie, liberté »).
« Le gouvernement islamiste d’Iran compte parmi les premières organisations criminelles au monde. »
Zoya Vergain.
Mariano Bona a développé une intervention sur la répression dont sont victimes les Kurdes en France.
« Les Kurdes ont combattu Daech à Kobanê ou Raqqa en Syrie, ils se battent pour la démocratie et le respect des droits humains en Turquie ou en Iran. Leurs luttes pour leurs droits et la démocratie, contre l’obscurantisme djihadiste a coûté la vie à des milliers de jeunes Kurdes. Ils subissent des années d’emprisonnement après des procès arbitraires en Turquie , une grande partie des condamnés à mort en Iran sont des Kurdes. De nombreux Kurdes en France sont des réfugiés fuyant la persécution en raison de leur engagements démocratiques. Les militants kurdes réfugiés en France n’ont jamais représenté une menace pour l’ordre public français. Ce sont eux qui sont agressés et qui ont été victimes de deux attentats meurtriers.
Le 9 janvier 2013 avec l’assassinat de trois militantes kurdes par un loup gris, sans doute avec l’implication des services secrets turcs. Le 23 décembre 2022, une fusillade près du centre culturel kurde fait trois morts : deux réfugiés politiques et une responsable internationale du mouvement kurde. Cette tuerie survient presque 10 ans jour pour jour après l’attentat du 9 janvier 2023.
Le 2 juin, vers 14h30 des Loups Gris turcs ont attaqué un rassemblement kurde devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg. Ils ont filmé l’attaque et diffusé les images sur les réseaux sociaux. Mais au lieu d’arrêter les agresseurs, la police a arrêté plusieurs Kurdes tandis que les médias locaux parlent de « rixe entre communautés turque et kurde » !
Au lieu d’être protégés, les Kurdes en France subissent des arrestations, du harcèlement judiciaire et administratif, voire des expulsions comme celle de trois militants en mars dernier, avec toutes les conséquences grave que cela comporte pour eux d’être remis aux autorités turques.
On cherche à intimider les militantes et les militants avec par exemple le gel de leurs avoirs, ce qui rend leur vie quotidienne très compliquée et les plonge dans une précarité très grande. Des Kurdes se voient retirer leur statut de réfugié, ce qui peut signifier leur expulsion. Le statut de réfugié n’est du coup plus la protection durable voulue par la convention de Genève.
Que leur reproche-t-on en réalité ?
De manifester, de participer à des réunions publiques, d’agir publiquement pour la défense de leurs droits culturels et politiques, d’être des opposants à R.T. Erdogan ? Mais si c’est cela, on s’attaque aux fondements même des droits et libertés de nous toutes et tous!
De soutenir le PKK , une des principales organisations qui mènent la lutte pour la reconnaissance des droits culturels et politiques des Kurdes en Turquie ? Tout peuple a droit à la résistance pour défendre ses droits et libertés.
La Cour de cassation belge a statué le 28 janvier 2020 en disposant que le PKK n’est pas une organisation terroriste, confirmant la décision de la cour d’appel de Bruxelles du 8 mars 2019, qui estimait que le PKK était partie à un conflit interne à la Turquie. Par ailleurs, dans ses conclusions adoptées en décembre 2023, le Conseil de l’Europe a réaffirmé à propos de la Turquie « les vives préoccupations que lui inspire le recul persistant et très inquiétant dans les domaines de la démocratie, de l’État de droit et des droits fondamentaux. » .
La répression contre les Kurdes en France de ces derniers mois a vraisemblablement pour seule source la volonté de satisfaire les demandes de T.R Erdogan, de lui donner des gages à un moment où la situation géostratégique fait que la Turquie joue un rôle important dans deux conflits majeurs : l’Ukraine et la Palestine.
Nous n’acceptons pas de laisser les droits et libertés des Kurdes en France être remis en cause au nom d’une realpolitik oublieuse des principes fondamentaux d’accueil et de protection des personnes persécutées dans leur pays en raison de leur combat pour les droits et libertés. »
Mariano Bona.
Le co président d’AIAK, Ali, a donné des informations récentes sur la répression subie par les démocrates en Turquie
Maryvonne Mathéoud, coprésidente d’AIAK, a conclu en informant de la présence d’un stand AIAK à la fête du Travailleur alpin, d’un débat vers 15h le samedi 29 juin sur le stand d’AIAK. Une annonce a été faite de la publication prochaine d’un livret reprenant l’intégralité des contributions de la conférence de presse.
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