samedi 14 avril 2018

Exploitation. Mine : la parole sera-t-elle d’or en Guyane ?

Le débat public autour du projet Montagne d’or, la plus importante exploitation aurifère à ciel ouvert jamais envisagée par la France, démarre aujourd’hui à Saint-Laurent-du-Maroni.
Cette fois, c’est la bonne. Après des mois de tergiversations et un premier faux départ, le débat public portant sur le projet minier Montagne d’or démarre concrètement aujourd’hui en Guyane. La première réunion se tiendra à 18 heures, sous le chapiteau municipal de Saint-Laurent-du-Maroni. On est prêt à parier qu’il fera salle comble.
Montagne d’or, pour rappel, c’est le nom donné à ce projet d’exploitation d’or qui, depuis bientôt deux ans, nourrit la controverse en Guyane. Adoubé en août 2015 par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, concédé à un consortium composé d’une société canadienne (la Colombus Gold) et d’une major russe (la Nordgold), qui ensemble ont constitué la compagnie Montagne d’or, il se présente pour devenir la plus importante mine aurifère à ciel ouvert jamais développée sur le territoire français.
Inédite, sa dimension est susceptible de faire prendre un nouveau virage économique à la Guyane, assurent ses promoteurs. Faux, rétorquent ses opposants, selon qui la compagnie Montagne d’or cherche à rendre la mariée plus belle qu’elle ne l’est, et minimise l’impact environnemental qu’aura la réalisation.
Depuis 2016, un collectif, rassemblant une trentaine d’organisations et baptisé Or de question !, réclamait l’ouverture d’un débat public pour permettre à la population de trancher. Le maître d’ouvrage s’y opposait, préférant se limiter à une concertation. En septembre 2017, le Conseil national du débat public a fini par trancher favorablement à la demande des associations. Le débat a officiellement débuté le 7 mars 2018 et doit se poursuivre jusqu’au 7 juillet. Avec ce petit raté au démarrage : le jour J, ni le dossier complet du maître d’ouvrage, ni les modalités de la consultation n’étaient disponibles pour le public. Le seul document mis en ligne par le consortium Montagne d’or consistait en une brochure aux faux airs de réclame touristique, vantant les atouts de son projet.
Le mal est depuis réparé et le consortium a fourni les chiffres qui lui étaient demandés, entre autres concernant l’impact environnemental. Prévue à la frontière de deux réserves biologiques intégrales – celle de Lucifer et celle de Dékou-Dékou –, la mine aura une emprise totale de 800 hectares, dont une centaine pour la fosse d’extraction. L’aménagement d’une piste d’accès et la construction d’une ligne électrique à haute tension affecteront 682 hectares, dont 30 % à haute valeur écologique. Montagne d’or assure que des mesures compensatoires pour la biodiversité sont en cours d’étude avec les autorités locales. Les besoins en électricité de la mine devraient représenter 10 % de la consommation électrique de la Guyane. Les capacités de production actuelles ne permettant pas d’y répondre, Montagne d’or envisage, pour l’heure, de faire appel à des groupes électrogènes – fonctionnant au pétrole, donc.

La mine mobilisera 750 emplois directs durant son exploitation

Mais la compagnie tient l’essentiel de ses arguments dans les perspectives économiques qu’elle avance. La mine mobilisera 750 emplois directs pendant sa phase d’exploitation, assure Montagne d’or, et près de 3 000 emplois indirects. Dans une région souffrant lourdement du chômage – 23 % des Guyanais sont sans emploi et même 50 % à Saint-Laurent-du-Maroni, ville proche du projet –, l’argument est évidemment massue. Il masque cependant d’autres potentiels, dénoncent ses opposants. Le WWF France souligne ainsi qu’il engloutirait au moins 420 millions d’euros de subventions, « soit 560 000 euros publics » par emploi annoncé. Des sommes qui pourraient tout autant profiter à l’agriculture,x la pêche, la foresterie ou le tourisme, relève l’ONG. Le débat public devrait permettre de mettre toutes ces données sur la table. Reste à savoir dans quelle mesure les dés ne sont pas déjà jetés. Sans attendre son lancement – a fortiori ses conclusions –, la préfecture de Guyane a octroyé, en décembre, un permis d’exploitation à la compagnie Montagne d’or, en dépit de 7 613 avis négatifs qui avaient été déposés.

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