Brésil.
L’ancien président s’est rendu de lui-même samedi soir à la police
brésilienne. Mais l’ex-syndicaliste, largement en tête dans les
sondages, ne compte pas abandonner.
« Si
mon crime est d’avoir ouvert les portes de l’université aux pauvres,
aux Noirs, qu’ils puissent s’acheter une auto, prendre l’avion… Si c’est
cela le crime que j’ai commis, alors je vais demeurer un criminel dans
ce pays, parce que je vais faire beaucoup plus encore. » À la sortie de
la messe donnée samedi matin en mémoire de son épouse disparue en
février 2017, l’ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva n’aura
pas offert au gouvernement Temer l’image tant attendue d’un homme défait
et isolé avant son incarcération. Accusé sans preuve de « corruption
passive » concernant un appartement soi-disant offert en échange de
contrats avec l’entreprise pétrolière Petrobas, l’ancien président doit
théoriquement purger une peine de douze ans de prison. Mais l’ancien
chef de l’état du Parti des travailleurs (PT) a d’ores et déjà gagné la
bataille de l’image en répondant à son rythme au mandat de dépôt – émis
beaucoup plus tôt que prévu jeudi soir – par le juge anticorruption
Sergio Moro.
Vers une libération dès mercredi de l’incarcération ?
Au lieu de vendredi, c’est donc samedi que Lula a décidé
d’obéir. Il n’était pas seul à se rendre au poste de police. Au sortir
de l’église, des milliers de militants ou simples citoyens étaient venus
écouter son dernier discours avant incarcération ; plus tard, des
dizaines de milliers d’autres retardaient sa sortie du syndicat des
métallos de Sao Bernardo do Campo, dans la banlieue de Sao Paulo, où il
passa quelques heures d’intimité avec famille et amis. Il y a quarante
ans, en pleine dictature militaire (1964-1985), c’est depuis ces locaux
que le futur président dirigea une grève historique, signifiant le début
d’une carrière politique unique. Parmi les « companheiros » venus le
saluer, Djalma Bom, syndicaliste embastillé à ses côtés en 1980 par les
militaires et cofondateur du Parti des travailleurs (PT). Autre symbole
fort, la présence dans le cercle rapproché de l’ex-président de Manuela
d’Avila, candidate du Parti communiste brésilien (PCdoB) à l’élection
présidentielle d’octobre. Lula est loin d’avoir jeté l’éponge et pense
encore pouvoir gagner et s’allier à d’autres formations politiques d’ici
à octobre. Pour rappel, l’ex-chef de l’État possède aujourd’hui quelque
20 points d’avance dans les intentions de vote sur son suivant
immédiat, le député d’extrême droite Jair Bolsonaro. Or, même incarcéré,
l’ancien syndicaliste peut encore techniquement s’enregistrer comme
candidat à la présidentielle. La justice électorale tranchera in fine
sur son éligibilité dans les prochains mois.
Luiz Inacio Lula da Silva a donc une grande partie du
peuple derrière lui et sa voix résonne déjà par-delà les quatre murs de
trois mètres sur cinq de sa cellule de la prison de Curitiba, où il est
enfermé depuis samedi soir. « Je vais me conformer au mandat de dépôt »,
a-t-il dit, « Mais je suis le seul être humain condamné pour un
appartement ne m’appartenant pas. Je suis un citoyen outré, je ne
pardonne pas que l’on dise au pays que je suis un voleur. Je veux
regarder mes juges dans les yeux », a-t-il ajouté sur un ton de défi,
promettant de prouver très bientôt son innocence. Une attitude qui
détonne avec l’actuelle classe dirigeante étrangement muette et dont 40 %
sont touchés par des affaires de corruption. Le président, Michel
Temer, reste silencieux. Le chef d’état brésilien, arrivé au pouvoir par
le truchement d’un coup d’état institutionnel aux dépens de Dilma
Rousseff, a lui-même échappé à deux mises en examen. Une troisième mise
en accusation est attendue prochainement. En attendant, Lula reste
confiant. Un premier coup de théâtre pourrait intervenir dès mercredi.
Marco Aurelio Mello, l’un des 11 magistrats de la Cour suprême du
Brésil, doit soumettre au vote une mesure provisoire qui pourrait
suspendre l’incarcération de toute personne ayant encore une possibilité
de recours auprès d’une instance supérieure.
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