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Qu’est-ce que le sarkozysme ? En cas de défaite du président sortant,
comment tourner la page d’un quinquennat qui aura profondément divisé la
France et ses habitants ? Insidieuse et pernicieuse, l’idéologie
sarkozyste s’est instillée progressivement dans les esprits jusqu’à y
infliger des dégâts immenses. Tel est l’analyse du magistrat Serge
Portelli, vice-président au tribunal de Paris et auteur du livre Le
Sarkozysme sans Sarkozy. Quelle est donc cette « pensée » qui nous
gouverne ? Éléments de réponse avec un magistrat engagé.
Basta ! : Qu’est-ce que le sarkozysme ?
Serge Portelli [1] :
Peut-on encore parler de sarkozysme ? La personnalisation – propre à
toute élection présidentielle – rend encore plus difficile la
distinction entre le régime mis en place depuis 2007 et l’exercice
singulier du pouvoir par un homme. Le sarkozysme est-il un véritable
concept politique susceptible de survivre à son héraut ? Ou n’est-il que
la simple expression institutionnelle d’un individu, un modèle évolutif
au gré de ses humeurs et de ses intérêts, voué à sa disparition en cas
d’échec, promis à d’autres changements en cas de victoire ? Peut-être
est-il plus facile de raisonner à partir de l’anti-sarkozysme. Beaucoup
pensent que sa puissance en fera le principal moteur de l’élection à
venir. La présidentielle serait un référendum. Certes, mais contre qui ?
Ou contre quoi ? Anti-Sarkozy ou anti-sarkozysme ?
D’ordinaire, l’usure du pouvoir ou la lassitude de l’opinion publique
sont les composantes de toute élection. La détestation d’un homme
politique en est rarement le ressort déterminant. Mais les enjeux du
débat sont aujourd’hui profondément politiques. La dette, l’industrie,
le chômage, l’éducation, la famille, le pouvoir d’achat, la santé…
autant de thèmes de société qui partagent les Français bien au-delà du
comportement d’un homme. C’est un système qui est en cause. Si
anti-sarkozysme il y a, ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui horripile, mais
le sarkozysme qui exaspère. On oublie souvent que son impopularité
s’est installée dès 2008 et que les incessantes tentatives de
« changement » de l’homme-président sont restées lettre morte. Ce
n’était pas l’image qui était en cause mais le fond de la politique.
Quel est le fondement du sarkozysme ?
C’est sa conception de l’homme. Chaque discours, chaque programme,
chaque promesse, chaque acte posé depuis cinq ans – mais les racines
sont plus anciennes – dessinent la figure d’un homme particulier. Nous
sommes toujours aux antipodes de l’humanisme et de ses valeurs de
compréhension, d’espoir et de confiance. La société qu’on nous propose
est celle de l’émotion, de la méfiance et de la peur au service d’un
individu à la recherche permanente de la réussite, de la richesse, dans
un monde de compétition acharnée. Le sarkozysme repose sur une vision
frileuse et parcellisée de l’humanité où pointe toujours un ennemi
potentiel. Il y a toujours un Autre inquiétant et menaçant : l’immigré,
l’étranger, le chômeur, le délinquant, le fraudeur, le malade mental…
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