Par Roland Weyl, avocat, vice-président de l’AIJD
Il fallait s’y attendre, le Conseil constitutionnel a déclaré que la
soumission de notre économie aux intérêts financiers qui dirigent
l’Europe n’exige pas de réforme constitutionnelle. Certes, ses membres
sont des « sages », mais la démocratie n’est pas une sageocratie. Et si
une institution ou juridiction dit qu’il fait nuit à midi, cela
n’empêche pas qu’il fasse jour,
Il est vrai qu’il pourra arguer de ce qu’il n’a été appelé à se
prononcer que sur une loi qui organise l’austérité et pas sur la
ratification du mécanisme européen. Mais cela reviendrait à ne vouloir
connaître que l’écume de la vague et pas la vague qui la produit.
Car tout ce qui altère notre maîtrise sur nos affaires est contraire à
la Constitution. Va-t-on, alors, nous faire procès de souverainisme ?
La souveraineté, c’est être souverain, du latin superanus, supérieur ;
donc, avoir le pouvoir. On ne doit pas avoir le pouvoir sur les autres,
comme le colonialisme d’avant-hier, le leadership de Bush hier et la
domination des marchés aujourd’hui.
En 1789, on est passé du souverain qui disait « l’État c’est moi » à
ce qui a été affirmé dans la Constitution de 1946 et repris en 1958 :
« La souveraineté nationale appartient au peuple français. » Il est
certes ajouté : « qui l’exerce par ses représentants » (et non « dont
les représentants l’exercent ») « ou par voie de référendum ». Mais cela
ne concerne que l’exercice. Cela ne veut pas dire qu’il peut en
disposer pour y renoncer.
Dès la Constitution de 1791, la souveraineté de la nation était
déclarée « imprescriptible et inaliénable ». Et l’indépendance
budgétaire en est un attribut tellement essentiel que déjà l’article 14
de la Déclaration de 1789 des droits de l’homme et du citoyen précisait
que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par
leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la
consentir librement, d’en contrôler l’emploi et d’en déterminer la
quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
Ce n’est pas une valeur ancienne et périmée. Au contraire, la charte
des Nations unies a donné en 1945 une valeur universelle à la maîtrise
exclusive des peuples sur leurs affaires en en faisant, avec
l’interdiction de la violence dans les relations internationales, une
pierre angulaire de la société internationale. Cela inclut la
coopération, mais entre peuples libres et égaux. Et c’est un principe
« d’ordre public », comme par exemple le Code du travail : si un peuple
renonce à sa souveraineté, c’est nul et sans valeur, comme si un
individu accepte de devenir esclave.
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