À quoi servent les Roms ? Au cœur de l’été 2012, Manuel Valls ne se sera
pas contenté de célébrer l’anniversaire du discours de Grenoble. Il
nous aura distraits de la ratification du traité « Merkozy » par
François Hollande. Pour combien de temps ? (Éric Fassin et Michel Feher)
On pouvait déjà s’émerveiller que la France fût parvenue si longtemps
à constituer « l’immigration clandestine » en un enjeu majeur – alors
que l’on compte seulement 200 à 400 000 « sans-papiers » pour 65
millions d’habitants. La comparaison avec les États-Unis (même rapportée
à une population presque 5 fois plus importante) est édifiante : ils y
sont 11 à 12 millions. Or, outre-Atlantique, cette question pèse moins
qu’en France sur la vie politique. Mais avec les Roms, un nouveau palier
est franchi : ils sont en France environ 15 000 migrants (ceux de
nationalité française sont 30 fois plus nombreux). Malgré les mesures
d’éloignement volontaire ou forcé, ce chiffre est constant : si, pour
prendre 2010 en exemple, les Roumains (presque tous Roms) constituaient
30% du quota de 28 000 reconduites à la frontière, les mêmes ne
manquaient pas de revenir bientôt. Depuis l’adhésion de la Roumanie et
de la Bulgarie à l’Europe en 2007, ce sont donc des dizaines de milliers
de mesures d’éloignement pour rien : d’un côté, il n’y a pas
d’invasion, et de l’autre, les expulsions sont sans effets (sinon
humains !). La valse des contradictions ne fait que continuer : on rend
difficile l’accès à l’emploi pour les Roms étrangers, afin de les
empêcher de faire concurrence aux Français, quitte à leur faire grief
d’un taux de chômage élevé…
Devant pareille absurdité, on peut s’interroger : pour quelle
raison, malgré le changement de majorité présidentielle, les
démantèlements de camps sont-ils devenus un marronnier
politico-médiatique ? Pourquoi le ministre de l’Intérieur s’emploie-t-il
à célébrer en 2012 l’anniversaire du discours de Grenoble de 2010 ? De
Nicolas Sarkozy à François Hollande, à quoi servent les Roms ? Et
aujourd’hui, à quoi sert Manuel Valls ? Rien ne permet en effet de
penser que la « question rom » soit la préoccupation principale des
Français, comme l’atteste dans les sondages de fin d’été leur impatience
devant l’inaction gouvernementale en matière économique et sociale.
Mais n’est-ce pas là, justement, tout l’intérêt de l’opération ? On met
le projecteur sur l’accessoire pour mieux laisser dans l’ombre
l’essentiel.
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