Par
L’ancienne usine est à l’abandon, au bord d’une petite route. Des
pans de murs menacent de tomber, la cheminée s’écroule, le plafond
s’effondre : certains jours, les riverains entendent des éboulements. Il
suffit d’un peu de vent pour qu’un nuage de poussières s’échappe alors
par les vitres cassées. De la poussière d’amiante. Ancienne filature de
coton, cette usine de Caligny, dans l’Orne, est exploitée dans les
années 1960 par l’entreprise Valéo/Ferodo, pour fabriquer des tissus à
partir de fibres d’amiante [1].
Cinquante ans plus tard, alors que la région est ravagée par les
conséquences de la poussière tueuse, l’amiante est toujours présent dans
cette usine du « Pont ». Et continue de polluer les alentours.
Aux premières loges : une dizaine de familles vivent à quelques
mètres de l’usine. De l’autre côté de la route, Odette Goulet assiste
avec inquiétude à la détérioration du site. Elle habite ici depuis 1972.
Le bâtiment était alors en très bon état. Peu de gens s’inquiétaient de
l’amiante. Au fil des ans, Odette a vu les conséquences de l’amiante
sur la région. Son mari est mort en 2008 d’un mésothéliome,
un cancer de la plèvre lié à l’exposition aux poussières d’amiante,
après 24 ans de travail dans une usine de Condé-sur-Noireau, à quelques
kilomètres de là. Odette Goulet voit aujourd’hui s’écrouler, en face de
chez elle, les cartons remplis d’amiante qui isolaient le bâtiment. Dans
une petite boite en plastique, elle a conservé un nid que son mari a
trouvé dans leur jardin. « Il est constitué de fils d’amiante, explique-t-elle. Des fils qui polluent tout le terrain de l’usine. » Son mari lui a demandé de bien garder ce nid. Pour témoigner, montrer la fibre qui l’a emporté.
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