par Céline Mouzon
Tandis que les négociations sur l’emploi reprennent le 10 janvier 2013, la perspective s’éloigne du « compromis historique »
entre syndicats et patronat espéré par M. François Hollande. Des
représentants de salariés refusent le nouveau contrat de travail unique —
et précaire — proposé par le Mouvement des entreprises de France
(Medef). Instauré en 2008, le système de rupture conventionnelle en
constitue un banc d’essai.
La période d’essai de Clotilde (1) vient d’être renouvelée lorsque ses employeurs la convoquent pour lui « proposer »
un passage à trois cinquièmes de temps (trois jours travaillés par
semaine). La jeune femme est sous le choc : elle n’a pas compté ses
heures dans cette petite entreprise spécialisée dans la vente de
produits écologiques sur Internet. Si elle refuse, elle pourra dire
adieu à son embauche. Sur les conseils d’une amie avocate, elle
contre-attaque, faisant valoir que, le délai pour l’informer du
renouvellement de sa période d’essai n’ayant pas été respecté, elle
bénéficie de fait d’un contrat à durée indéterminée (CDI). Elle refuse
toute modification d’horaires et propose finalement une rupture
conventionnelle : « Ils se sont déchaînés. Un ouragan !
Ça a frisé le harcèlement. Mes deux chefs ne m’adressaient plus la
parole et me demandaient un compte rendu détaillé de mes activités tous
les jours. » Trois mois plus tard, elle
obtient gain de cause dans un conflit qui aurait dû se solder par un
licenciement. Manquement à ses obligations de la part de l’employeur,
volonté d’en finir rapidement de la part de la salariée : l’exemple est
caractéristique de la zone grise officialisée par la loi de
modernisation de l’économie (2), qui instaure notamment la rupture conventionnelle.
Lors de son adoption, en juin 2008, le débat sur la flexisécurité à
la française faisait rage. Ce nouveau mode de séparation devait ouvrir
une brèche dans le dualisme du marché du travail français entre contrat à
durée déterminée (CDD) et CDI, considéré comme un facteur de rigidité :
aucun motif de séparation à avancer au-delà de la « liberté de consentement des parties »,
pas de préavis et un délai de rétractation de quinze jours. Employeur
et salarié remplissent un formulaire succinct qu’ils envoient à la
direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi. Sans réponse sous quinze jours,
ils peuvent considérer la séparation comme homologuée. Le délai de
contestation devant les prud’hommes est de douze mois.
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