mercredi 2 octobre 2024

Gouvernement Barnier : les macronistes se rebiffent


 Dur dur d’être un macroniste à l’ère de la cohabitation entre Macron et Les Républicains – le tout sous tutelle de l’extrême droite ! Que c’est loin 2017…

La blague « On va bientôt regretter Darmanin » n’aura pas durer un mois avant de devenir réalité. Comme une malédiction française, demain semble toujours pire qu’hier. Dix jours que Bruno Retailleau est ministre de l’intérieur et, déjà, il nous promet du sang et des larmes.

Sa récente interview à LCI a été un sommet de provocation. Kamoulox : « L’immigration n’est pas une chance, ni pour les migrants qu’on ne peut pas accueillir décemment, ni pour les Français » ; « Je regrette qu’on ne puisse pas faire de référendum. Il faudrait réviser la Constitution » ;« Notre culture est judéo-chrétienne […] Comment voulez-vous intégrer des jeunes qui doutent en leur disant que la France n’est pas aimable, qu’elle est coupable de tous les crimes ? » ; « Je suis favorable à la double peine » ; « Je n’ai aucun tabou. [L’accord de 1968 avec l’Algérie] est un accord déséquilibré, très avantageux pour l’Algérie, très désavantageux pour la France ».

Puis, dimanche dernier, il accorde un entretien à l’hebdomadaire d’extrême droite Le JDD pour remettre en cause un pilier de la République : « L’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré. […] La source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain. » Plus populiste, tu meurs.

Les sorties du ministre de l’intérieur sont soutenues par le camp LR, mais aussi par l’extrême droite. En revanche, côté macronistes, c’est la grosse débandade. Et le fait que Bruno Retailleau ait dû rectifier le tir n’y changera pas grand-chose.

Macron plonge à droite, le macronisme passe à gauche (lol)

Yaël Braun-Pivet, la président de l’Assemblée, se la joue garante de la République : « L’État de droit est sacré, c’est ce qui protège notre démocratie. Un ministre ne peut pas prendre toutes les dispositions qu’il souhaite. » Elle avait moins de pudeur de gazelle lorsqu’il fallait aider le pouvoir exécutif à museler le législatif pour faire passer des réformes sans le moindre débat démocratique. Même Élisabeth Borne, « madame 49.3 », juge l’État de droit « sacré ».

Même état d’âme pour le parton des députés MoDem, Marc Fesneau : « L’État de droit c’est ce qui fonde les démocraties. C’est ce qui protège chacun d’entre nous de l’arbitraire. C’est ce qui a pu protéger, quand sous la pression des foules aux passions exacerbées par les populistes, certains étaient prêts au pire. »

Prisca Thevenot, l’ancienne porte-parole du gouvernement, vient-elle de se découvrir une fibre de frondeuse ? Aux propos du ministre de l’intérieur, elle rétorque : « On peut parler immigration sans dénigrer les Français qui en sont issus. Notre langue permet de faire la différence entre immigration illégale et légale. La première est à combattre, la deuxième à contrôler. Ne pas faire la distinction fait le lit du RN. » On l’a connue moins pudique lorsque Gérald Darmanin était au même poste.

En parlant du loup, qu’arrive-t-il à Gérald Darmanin qui, quittant Beauvau, se rappelle soudainement de ses origines ? « Si je m’étais appelé Moussa Darmanin, je n’aurais pas été élu », lâche-t-il, faisant référence à son deuxième prénom hérité de son grand-père tirailleur algérien. Combien de Moussa ont vu leur tente de fortune éventrée par la police, ont été incarcérés dans les indignes centres de rétention ? Combien de Moussa ont souffert de la politique qu’il a menée pendant quatre ans au ministère de l’intérieur ? Combien ont payé pour que Gérald Darmanin ait offert « sur un plateau » (dixit une députée macroniste) au RN la loi immigration ?

Et Prisca Thevenot, encore elle, joue la même comédie sur ses origines et rejette l’expression venue de l’extrême droite « Français de papiers », chère à Retailleau (et aux LR en général). Ils sont « une chance pour la France » depuis qu’un autre occupe le poste de celui qui dit qu’ils ne sont pas une chance pour la France. La question est : quand sont-ils honnêtes, avant ou après avoir perdu leurs ministères ? ?

Même du côté des tenants du libéralisme à outrance, ça tangue. « Une trentaine de députés macronistes se lèvent contre la hausse des impôts envisagée par Michel Barnier »lit-on sur Libération.

Face à tant d’hypocrisie, certains macronistes sautent du Titanic. La députée Sophie Errante quitte le groupe Ensemble pour la République à l’Assemblée. Elle reproche tout : la loi immigration, la réforme des retraites, les 49.3, le choix de Michel Barnier comme Premier ministre. À noter qu’elle aura attendu sept ans de mandat jupitérien et deux réélections sous sa bannière pour sortir du bois. Est-il jamais trop tard ? Rejoindra-t-elle le frondeur en chef (chef de lui-même) Sacha Houlié pour appeler à censurer le gouvernement ou s’alliera-t-elle à Édouard Philippe comme ses collègues Charlotte Parmentier-Lecocq et Xavier Roseren ont fait avant elle ? Quoi qu’il advienne, Emmanuel Macron peut dormir tranquille.

Il y a quelque temps, la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher s’interrogeait : « J’aurais aimé qu’il y ait des représentants du Parti socialiste » dans le gouvernement Barnier. Quand on voit qu’il vaut mieux attaquer l’État de droit que l’extrême droite, on comprend mieux pourquoi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire