En ce 21 septembre, Journée internationale de la paix, la tension monte dangereusement au Liban. « La région est au bord d’une catastrophe imminente », prévient la coordinatrice de l’ONU à Beyrouth. La population est encore sous le choc de ce qu’on appellerait certainement ailleurs un attentat terroriste de masse – visant des porteurs de bipeurs ou de talkies-walkies –, qui s’est soldé par des dizaines de morts et plusieurs milliers de blessés, dont de nombreux civils non combattants. On voyait bien, depuis quelque temps, qu’en multipliant les assassinats de cadres du Hezbollah Netanyahou cherchait à tout prix l’affrontement, quitte à provoquer la régionalisation du conflit.
Alors qu’un cessez-le-feu à Gaza suffirait à arrêter l’engrenage, il choisit l’escalade. Gallant, son ministre de la Défense – celui pour qui les Palestiniens sont des « animaux humains » –, a annoncé à ses troupes stationnées près de la frontière libanaise : « Nous terminons la formation de toutes les unités pour une opération terrestre dans tous ses aspects. » Le résultat est qu’à la frappe israélienne « ciblée » – qui a fait 45 morts ! – visant un groupe de cadres du Hezbollah a répondu une salve de 115 roquettes du mouvement libanais sur le nord d’Israël, causant plusieurs blessés et poussant des centaines de milliers de personnes vers les abris, ce qui justifiera une nouvelle riposte encore plus meurtrière…
Les Libanais ne savent que trop quel traumatisme une nouvelle guerre représenterait pour eux : le souvenir de l’enfer de 2006 est ineffaçable.
« La guerre est là. Elle souffle sur notre nuque. Elle nous nargue avec le vrombissement de ses drones et le son foudroyant de ses avions. Elle s’invite à Beyrouth après avoir confisqué le sud pendant près d’un an. Où et comment s’arrêtera-t-elle ? Qu’emportera-t-elle sur son passage ? » écrit le grand quotidien libanais « l’Orient-le Jour », traduisant la profonde angoisse de tout un peuple. C’est qu’une nouvelle guerre avec leur puissant voisin, les Libanais ne savent que trop quel traumatisme cela représenterait pour eux : le souvenir de l’enfer de 2006 est ineffaçable.
J’avais, à l’époque, évoqué en ces termes, au Parlement européen, les traits les plus saillants de ce cataclysme : « L’armée israélienne a écrasé le Liban trente-quatre jours durant, ne faisant, selon les termes de Human Rights Watch aucune distinction entre les civils et les objectifs militaires ; provoquant le déplacement forcé du quart de la population ; imposant un blocus total au pays ; visant délibérément – a souligné Kofi Annan (alors secrétaire général de l’ONU) – et tuant des observateurs de la force internationale de maintien de la paix ; détruisant, aux dires du Programme des Nations unies pour le développement, 15 000 logements et 78 ponts ; anéantissant les infrastructures vitales du pays : ports, aéroports, centrales électriques… ; provoquant une gigantesque marée noire ; utilisant des obus pouvant contenir jusqu’à 644 engins explosifs, dont 100 000 continuent à tuer aveuglément hommes, femmes et enfants… »1
Face au risque d’une réitération d’une telle sauvagerie dans un pays déjà à terre et à la menace d’un embrasement général au Moyen-Orient, on est sidéré par la mollesse de la réaction des puissances occidentales, à commencer par celle qui fournit les armes qui tuent et mutilent à Gaza, en Cisjordanie et au Liban ! À quand l’embargo sur les armes et les munitions ! À quand les sanctions ! À quand la fin de ce détestable « deux poids, deux mesures » qui, en alimentant la rage, est le meilleur carburant de la radicalisation ! Que les bouches s’ouvrent !
- Intervention de Francis Wurtz au Parlement européen (extraits), 7 septembre 2006. ↩︎
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