En réponse à l’annonce par Sanofi de son intention de céder sa filiale Opella - qui produit le Doliprane- à un fonds d’investissement étasunien, deux syndicats appellent à la grève à partir du jeudi 17 octobre.
Dès l’annonce par Sanofi de son intention de céder à un fonds d’investissement étasunien son médicament le plus vendu en France – le Doliprane – et toute la filiale qui va avec – Opella -, les syndicats ont manifesté leur opposition à cette fuite en avant. Ce mercredi 16 octobre, la CFDT et la CGT ont décidé de passer un cap et ont appelé à une grève reconductible à partir de jeudi pour s’opposer à la cession évaluée à un peu plus de 15 milliards d’euros.
Le premier syndicat appelle à « un mouvement de grève générale à partir du 17 octobre pour exprimer sa colère contre la vente d’Opella » , sur tous les sites du groupe, selon un tract dont l’AFP a pris connaissance. Le second lance un « appel clair et franc (à la grève), en illimité jusqu’au retrait de la vente d’Opella », sur les deux sites français de la filiale à Lisieux (Calvados) et Compiègne (Oise), a indiqué à l’AFP Fabien Mallet, syndicaliste CGT Sanofi France.
Risque de délocalisations
Dès le vendredi 11 octobre, Sanofi avait confirmé être en négociations exclusives avec le fonds américain CD & R pour lui céder une participation majoritaire au sein d’Opella, filiale de médicaments sans ordonnance qui produit la marque de paracétamol Doliprane.
Dans le détail, la multinationale tricolore qui produit une centaine de médicaments (Allegra, Novanuit, Icy Hot et Dulcolax) par le biais de sa filiale parle d’une cession partielle. Mais une délocalisation à long terme n’est pas exclue. « La logique d’un fonds d’investissement est d’accroître sa rentabilité. Et lorsqu’on parle d’économies à faire, elles reposent en grande partie sur les coûts de production », explique Nathalie Coutinet, économiste de la santé.
Une perspective qui a d’autant plus de mal à passer que ces dix dernières années « le groupe a dû toucher un total de 2 milliards, voire 2,5 milliards d’euros grâce au crédit d’impôt recherche (CIR) et à des exonérations de cotisations sociales », calcule Jean-Louis Peyren, de la Fédération nationale des industries chimiques (Fnic-CGT), salarié chez Sanofi. Le groupe pharmaceutique a bénéficié d’« un milliard de CIR en 10 ans » tout en divisant « par deux les effectifs en France, notamment des emplois de chercheurs », a également dénoncé la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.
« Le scandale de la stratégie industrielle du gouvernement, c’est qu’elle consiste à donner les pleins pouvoirs aux multinationales. Et là, en l’occurrence, on a une multinationale qui considère qu’elle peut faire la pluie et le beau temps », a-t-elle aussi affirmé, rappelant que « le président de Sanofi (Frédéric Oudéa) est le mari d’une ancienne ministre (des Sports Amélie Oudéa-Castéra, ndlr) » et que « cela aide à avoir des relations proches avec la macronie ».
Face aux risques de délocalisations, à l’inquiétude des salariés notamment pour les 250 emplois de l’usine de Lisieux où est produit le Doliprane, et aux critiques quant à l’abandon de la promesse d’Emmanuel Macron d’assurer la souveraineté française sur les médicaments, le ministre délégué à l’Industrie Marc Ferracci et le ministre de l’Économie Antoine Armand ont fait lundi le déplacement dans le Calvados.
Des engagements tangibles attendus
Le locataire de Bercy a dit avoir « entamé des discussions » avec les parties prenantes en vue d’un accord spécifique sur des « engagements extrêmement précis », qui seront « assortis de garanties » et « de sanctions ». Il a évoqué aussi « la possibilité d’un actionnariat public et d’une participation à la gouvernance dans le cadre de cet accord ».
Parmi les obligations exigées, Marc Ferracci cite « le maintien de l’empreinte industrielle et de l’emploi industriel » sur les sites français de production de Lisieux et Compiègne (Oise). Il est également question, selon lui, d’« engagements sur les volumes de production » et « sur la recherche et le développement » ainsi que la préservation de « l’écosystème des sous-traitants ».
Pas de quoi, pour l’heure, convaincre les syndicats qui redoutent qu’aucun engagement ne soit tenu si la filiale passe majoritairement aux mains du fonds américain. « On ne sait pas si les engagements tiendront si le conseil d’administration bascule côté américain », objectait déjà lundi Humberto de Sousa, syndicaliste CFDT, affirmant son inquiétude pour les emplois face à « la recherche de rentabilité de ce fonds » repreneur.
D’autant que « pour l’instant, ça ne reste que des engagements oraux, il n’y a rien d’écrit », s’inquiétait Johan Nicolas, délégué central adjoint CGT chez Sanofi et technicien en informatique industrielle, en grève sur le site de Lisieux
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