En ne voyant les visiteurs que comme des porte-monnaie et des passeports, la ministre piétine l’universalité de la culture.
Dans un entretien au Figaro, la ministre de la culture a avancé l’idée de revenir sur la gratuité de l’entrée dans Notre-Dame de Paris. Prenant comme exemple l’Espagne (mais elle aurait aussi pu penser à l’Italie), les visiteurs paieraient 5 euros pour visiter la nef de la cathédrale. Cela permettrait, dans l’esprit de Rachida Dati, de sauver « toutes les églises de France » – rien que ça !
Revenir sur le libre accès à notre patrimoine est une fausse bonne idée. Ce péage tarifaire imposé aux curieux entraverait nécessairement les élans et les envies : une famille de cinq personnes en visite à Paris se poserait a minima la question de dépenser 25 euros pour entrer dans le bâtiment quand, auparavant, elle pouvait visiter le lieu sans se soucier de ce problème pécuniaire. Mais au fond, c’est surtout l’universalité de l’accès qui est remise en question : Notre-Dame ne serait plus un lieu de notre commun mais un espace privatisé, quoique partagé par tous ceux qui ont payé leur ticket.
Vous allez me dire : les musées, publics comme privés, c’est pareil, faut payer un billet à l’entrée le plus souvent. C’est vrai et c’est tout aussi problématique… 15 euros pour aller au Centre Pompidou, ce n’est évidemment pas donné à tout le monde. Et cette logique de tri social est même accentuée par ceux qui possèdent des sésames élitaires comme les cartes d’accès à l’année. Bref, comme dirait Malraux, la consécration du musée comme lieu de la délectation bourgeoise…
La ministre de la culture ne s’y est pas trompée puisqu’elle a aussi parlé, dans son entretien, du coût de l’entrée dans certains musées ou monuments nationaux avec une proposition détonante : faire payer différemment le billet en fonction de l’origine géographique du visiteur. En gros, vous venez de France ou d’Europe, vous paierez moins cher que si vous êtes extra-européen.
Là encore, ce qu’on attaque, c’est le musée en tant que lieu de l’élaboration de la compréhension universelle. On vous signifie que, si vous allez voir un Vinci ou un Delacroix, il importera de vous rappeler que, comme dirait Rachida Dati, « les Français n’ont pas vocation à payer tout, tout seuls ». Devant la Joconde, vous ne serez plus un homme ou une femme qui se confronte à un sourire et au temps mais un Brésilien ou un Chinois qui contemple une œuvre détenue et entretenue par une institution française. Terrible aveu de notre faiblesse collective : de plus en plus, on abandonne l’idée que le musée est un lieu « peuplé de fantômes, où l’art appartient à l’art », et à personne d’autre.
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