Je me souviens qu’en entrant sur la Place de la Bastille, le dix-huit
mars dernier, coincée entre des inconnus et des inconnues et poussée
par leur énergie, j’entendis l’un d’eux dire «on n’est pas vingt-mille :
on n’est CENT-VINGT mille!». C’était difficile à croire, on n’osait y
croire et pourtant cette foule immense, sa ferveur inouïe semblait nous
autoriser à y croire. Ce n’était pas vraiment une manifestation, ce
n’était pas vraiment non plus un meeting politique, c’était plutôt un
énorme cri. Le cri qui donna, ou redonna, à ce peuple de gauche enfin
rassemblé, l’énergie du combat et de l’espoir.
Et quand, en février 2013, je vois ces places italiennes remplies
elles aussi de monde et ces citoyens et citoyennes italiens s’émouvoir
de ces immenses foules venues écouter celui qui fonda le Movimento 5
Stelle, Beppe Grillo, je ne peux que comprendre, dans un premier temps,
leur émotion, leur enthousiasme, leurs frissons.
Mais la différence, c’est que l’énergie qui animait les électeurs
venus écouter Mélenchon et ses camarades, venait, entre autres, de la
cohérence et de l’intérêt du programme du Front de Gauche, «né de
l’exigence de réinventer la gauche en s’appuyant sur l’implication
populaire». C’était cette renaissance de la gauche, d’une gauche qui
voulait replacer l’humain d’abord, redonner la parole et le pouvoir au
peuple qui était célébrée. C’était le programme du Front de Gauche qui,
en plaçant l’humain d’abord, pouvait dire non au diktat de la finance,
non aux discriminations, et oui au respect et à la tolérance.
Est-ce le cas en Italie ces jours-ci ? J’ai lu et relu le programme
du Movimento 5 Stelle, j’ai lu et relu le blog de Grillo lui-même, j’ai
écouté certains de ses discours, j’ai lu plusieurs articles. Et je ne
comprends toujours pas.
Le programme est une espèce de liste souvent vague et confuse. Vus
les temps qui courent, j’ai lu assez attentivement la page consacrée à
l’économie et par exemple, sur ce point, «Riduzione del debito pubblico
con forti interventi sui costi dello Stato con il taglio degli sprechi e
con l’introduzione di nuove tecnologie per consentire al cittadino
l’accesso alle informazioni e ai servizi senza bisogno di intermediari»,
je reste perplexe. C’est la seule occurrence du mot «dette» dans le
programme : le mouvement voudrait la réduire en intervenant fortement
sur les coûts de l’État, c’est-à-dire - précision non négligeable, en
éliminant les «gaspillages». Le programme n’est-il pas l’endroit idéal
pour développer une idée aussi cruciale, expliquer sur quelles dépenses
de l’État exactement l’on compte intervenir, préciser à quels
gaspillages l’on fait référence ?
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