Derrière la réforme Peillon se cache un projet de société,
et si les enseignants en grève défendent à raison leurs
conditions de travail, ils combattent aussi pour une école
plus égalitaire. Entretien avec José Tovar.
Regards.fr. Le jeudi 31 janvier, les
enseignants étaient appelés à
faire grève avec toute la fonction
publique. Ils le seront de nouveau
le 12 février sur les questions scolaires.
Quel est leur état d’esprit ?
José Tovar. Les enseignants sont mal dans
leur peau, mal dans leur métier. Depuis
plus de cinq ans on a vu une accumulation
de réformes à tous les niveaux, primaire
et secondaire, sans que les enseignants
n’aient été consultés sur leur nécessité ou
leur pertinence, et le résultat de tout ça,
c’est la déréglementation tous azimuts :
plus personne ne maîtrise la cohérence
d’un métier aux implications affectives
très fortes ! Les enseignants sont sommés
d « innover » et doivent improviser en permanence.
Ce qui hier coulait de source,
ne coule plus de source aujourd’hui.
Par exemple, l’introduction des enseignements
de soutien à l’école élémentaire
a provoqué un bazar pas possible :
horaires, durée, nombre d’élèves concernés
: rien n’était clairement et réellement
conçu dans l’intérêt des élèves, tout pour
la façade ! Durant ces dernières années,
on a chargé la barque des programmes
(une langue vivante obligatoire, l’informatique,
des évaluations à répétition…) alors
même que la durée totale d’enseignement
diminuait ! Au collège, le passage
d’un enseignement fondé sur les disciplines
à un enseignement basé sur les
compétences oblige les profs à réinventer
leur métier alors même que leur formation
initiale ne les y a pas préparés, qu’elle a
même été supprimée pour les nouveaux recrutés (sans parler de la formation
continue, toujours inexistante !). Au lycée,
les réformes Chatel ont complètement
désorganisé le fonctionnement antérieur :
multiplication des options (au choix des
élèves), des groupes disciplinaires ou de
niveaux, suppressions d’enseignements,
etc. Une partie grandissante des enseignements
proposés se fait pratiquement
« à la carte » : en dehors de quelques
matières, les élèves d’une même classe
ne sont plus jamais ensemble, ce sont les
enseignants qui doivent gérer les effectifs ;
l’accompagnement personnalisé censé
apporter une aide aux élèves en difficulté
plus ou moins lourde, mais passagère, est
détourné pour permettre à certains profs
de « boucler » leur programme, car les
heures normalement prévues à l’emploi
du temps ont diminué et ne suffisent pas,
alors que les exigences, selon les instructions
officielles, ne cessent d’augmenter !
On passe désormais un baccalauréat professionnel
en trois ans, au lieu de quatre,
sans que les exigences théoriques au
programme aient diminué, etc.
Lire la suite
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire