Le
20 février 2016, l'Aquarius, financé quasi-exclusivement par des dons
privés, quittait le port de Marseille. Son objectif: sauver des migrants
en détresse au large de la Libye. En deux ans, l'"ambulance des mers" a contribué à sauver 27.000 vies.
Long de 77 mètres, l'Aquarius a quitté le port de Marseille, le 20 février 2016, pour sauver des migrants en détresse au large de la Libye. Affrété par l'ONG SOS Méditerranée est financé quasi-exclusivement par des dons privés. Deux
ans plus tard, le bateau orange et blanc, qui avait auparavant servi
pour la surveillance de la pêche, est le seul à n'avoir jamais quitté la
zone de sauvetage. Avec l'aide de personnel médical de Médecins sans
Frontières, l'"ambulance des mers" a contribué à sauver 27.000 vies.
"Quand on est partis, on
n'imaginait pas que ça durerait plus d'un an! C'est un rêve qui s'est
réalisé", raconte Klaus Vogel, premier capitaine de l'Aquarius. Un rêve
et une promesse, faite un an plus tôt par celui qui tient alors la barre
d'un porte-conteneurs à la mairesse de l'île italienne Lampedusa, où
s'échouent de nombreux migrants: il lui jure de "revenir avec un gros
bateau pour sauver des gens".
Les premiers jours pourtant, l'équipage est destabilisé: la météo
est désastreuse et aucune embarcation ne s'aventure en mer: "On se
demandait ce qu'on était venus faire ici...", se rappelle Jean. Quinze
jours plus tard, à 06H56, un message de Rome: "Zodiac en détresse...100
personnes... Lat 33.13, Long 13.07 E". Un premier sauvetage "idéal": "On
était prêts, on avait eu le temps de travailler nos procédures, même si
le matériel n'était pas extraordinaire".
A l'hiver 2016, quand SOS
Méditerranée se déploie au large de la Libye, elle rejoint une flotille
humanitaire constituée depuis l'abandon par la marine italienne de
l'opération Mare Nostrum. L'Aquarius, "vaillant navire" selon Francis
Vallat, le président de SOS Méditerranée, se démarque car il est alors
le plus gros à rester en permanence dans la zone, capable de prendre à
bord plus de 1.000 personnes et de les transporter jusqu'en Italie.
Au printemps 2017, les ONG
subissent une salve d'attaques de la part du gouvernement italien qui
les accuse de connivence avec les réseaux de passeurs et les oblige à
signer un code de bonne conduite. Surtout,
les garde-côtes libyens, formés par l'UE, ont récupéré au printemps des
vedettes fournies par l'Italie et repoussé les ONG plus loin de leurs
côtes, en élargissant leur zone de recherche et de secours. Une
situation "confuse, parfois dangereuse" selon Francis Vallat, révolté
par le fait que les garde-côtes "ramènent les migrants dans l'enfer
libyen".
Cette tension a poussé plusieurs
ONG à retirer leurs navires, d'autant que des accords conclus par Rome
avec les autorités et les milices libyennes ont provoqué une baisse
drastique des départs. Depuis juillet 2017, le nombre d'arrivées en
Italie a baissé de 70% par rapport à la même période un an plus tôt
selon les autorités. Les
humanitaires doivent en effet faire face à la polémique portée par des
responsables européens, qui les accusent, comme ils accusaient
l'opération Mare Nostrum, d'avoir créé un "appel d'air" pour les
migrants.
"Faux", répond Francis Vallat,
"ces gens ne partent pas en quête d'un eldorado, ils fuient un enfer".
La majorité des migrants sont sauvés par des navires militaires,
rappelle-t-il aussi: selon les gardes-côtes italiens, les migrants
secourus par des ONG ont représenté 1% du total en 2014, 13% en 2015,
26% en 2016 et 46% en 2017. En
deux ans, cinq bébés ont poussé leur premier cri sur l'Aquarius. L'une
d'entre elles, la petite Mercy, a inspiré le duo français Madame
Monsieur, sélectionné pour l'Eurovision 2018.
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