Les
résultats affichés par Gemalto sont insolents : 453/millions d’euros de
bénéfice net en 2016. Pour les salariés : 288 postes supprimés bientôt.
Bénéficiaire
de centaines de millions d’euros, le leader mondial de la sécurité
numérique profite de la fin de la prise en compte des profits du groupe
au niveau international pour licencier près de 300 salariés en France.
«Pas
une journée sans qu’un salarié ne vienne me voir à la machine à café ou
ailleurs pour me dire qu’il a bien regardé les catégories définies dans
le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi – NDLR) et qu’il pense qu’il
peut y échapper. » Ce syndicaliste témoigne du stress, de l’incertitude
et de l’atomisation qui règnent sur le site Gemalto de La Ciotat depuis
que le groupe a annoncé en décembre dernier un plan de licenciement
concernant 288 postes, puis défini, de façon jugée arbitraire par
l’intersyndicale, 113 catégories. Ingénieurs, techniciens, responsables
commerciaux, salariés du leader mondial de la sécurité numérique, les
voilà traités comme des variables d’ajustement. « Il y a énormément de
couples, comme sur tous les lieux de travail. Je ne vous dis pas
l’ambiance », ajoute le syndicaliste.
Le chantage à l’augmentation
Début décembre, la direction annonce ce « plan social ».
Quelques jours plus tard, l’info tombe : Gemalto sera racheté par
Thales, dont l’offre coiffe sur le fil celle d’Atos. Le PDG du gagnant
de l’enchère évoque « une bourse à l’emploi » : priorité aux licenciés
de Gemalto pour des postes chez Thales. Espoir passager. Le rachat tarde
à être officialisé tandis que les réunions de négociations ont commencé
et que la direction de Gemalto veut boucler l’affaire d’ici à début
juin. Les réunions s’enchaînent à un rythme effréné. Les discussions
portent sur les modalités (départs volontaires ou pas, priorité aux
seniors), peu sur le bien-fondé. Sauf peut-être à partir de ce lundi,
lors d’un comité central d’entreprise. Pour l’anecdote, se mènent
parallèlement les NAO (négociations annuelles obligatoires) sur les
salaires. La direction veut rendre effective l’augmentation en juillet,
soit après le PSE, et non en février, comme à l’accoutumée. Et elle
propose une augmentation de 2 % si les syndicats signent un accord
concernant ce même PSE, mais 0,5 % en cas de non-signature.
L’entreprise se trouve-t-elle en si mauvaise posture ? La
direction argue du déclin du marché américain des cartes SIM et cartes
bancaires. L’activité aurait baissé « de 28 à 35 % entre 2016 et 2017 ».
Pourtant, les résultats affichés par Gemalto sont presque insolents :
453 millions d’euros de bénéfices nets en 2016 pour un chiffre
d’affaires de 3,1 milliards, soit un taux de rendement de 15 %. Et, pour
2017, « les chiffres ne sont pas encore connus », pointe Christophe
Bassas, ingénieur à La Ciotat et responsable FO, mais le pactole annuel
devrait s’établir à 300 millions d’euros. Pourtant, la multinationale
argue d’un déficit de la filiale française à hauteur de 17 millions
d’euros pour justifier son plan de licenciement. « Pour nous, c’est
clairement rendu possible par une disposition des ordonnances Macron qui
permet de ne plus tenir compte de la santé d’un groupe à l’échelle
mondiale, ajoute le syndicaliste. La direction a attendu la publication
de ces textes qui permettent de ne considérer le PSE qu’au regard du
résultat de la société française. »
Des délocalisations en Inde, à Dubaï...
Un déficit peut s’organiser aisément. Explications :
« L’ensemble du top management, soit une trentaine de personnes, est
payé par une société qui s’appelle GIS. C’est Gemalto France qui règle
l’addition alors qu’ils dirigent clairement Gemalto NV », soit le groupe
mondial. Coût total : 26 millions. Une réaffectation du coût à la
multinationale basée à Amsterdam et la filiale française afficherait un
bénéfice, rendant difficilement justifiable un plan de suppression
d’emplois. En France, le nombre de salariés s’établit à 3 000. C’est
donc près de 10 % des effectifs qui vont être concernés. Le site le plus
touché sera celui de La Ciotat, avec 130 suppressions de postes
sur 750. L’économie prévue sur la masse salariale sera de 28 millions
d’euros. Depuis des années, ce centre de recherche et développement est
victime de délocalisations en Inde, aux États-Unis, à Dubaï. Christophe
Bassas le sait déjà : tout son service est supprimé, direction
Singapour. Le cas de Gemalto et de sa matière grise broyée est en passe
de devenir une affaire nationale puisque deux anciens candidats à
l’élection présidentielle apportent leur soutien aux salariés en venant
les rencontrer sur le site de La Ciotat : Jean-Luc Mélenchon vendredi
dernier et Benoît Hamon ce lundi.
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