dimanche 28 janvier 2024

Grenoble, Lyon, Nantes, Paris… bientôt sans pub ?

De Grenoble à Lyon, en passant par Nantes ou Paris, les initiatives se multiplient pour limiter la publicité urbaine et les appels à consommer. Une démarche louable mais qui n’est pas sans poser des questions sur le financement des collectivités.

Un pas, une pub. Deux pas, encore une pub. Ici une nouvelle télévision « merveilleuse », là-bas un abonnement numérique « imbattable ». Dans les transports, un voyage, un parfum. Au feu rouge, une bière à la robe brune « élégante » et une voiture « plus intelligente ». Et devant un monument en rénovation, l’échafaudage est aux couleurs d’un téléphone prétendu « révolutionnaire ».

Comment se débarrasser de la publicité dans les villes ? Comment agir de sorte que les allées et venues des citoyens ne soient plus entravées dans l’espace public par des incitations permanentes à la consommation ? Et ce au moment même où les appels à la sobriété énergétique se multiplient ? De Grenoble à Lyon, en passant par São Paulo ou Canberra, les grandes villes ont lancé une myriade d’initiatives concrètes, signe d’une prise de conscience récente sur ces enjeux.

À Paris… d’ici à 2026

Dans cette lutte pour un espace public sans publicité, Grenoble fait figure de pionnier : dès 2015, la nouvelle équipe municipale écologiste interdit l’affichage commercial. En termes d’urbanisme, cela se traduit par le retrait de 326 panneaux, dont 227 « sucettes » publicitaires, 20 colonnes, et 64 grands panneaux de 8 m2, libérant 2 000 m2 d’espaces publicitaires.

Ces derniers ont été remplacés par la plantation d’arbres et 300 points d’affichage libre. À l’époque, le maire EELV, Éric Piolle, indiquait, conformément à ses engagements de campagne, qu’il ne renouvellerait pas le contrat liant Grenoble au groupe d’affichage et de mobilier urbain JCDecaux. Au fil des années, la démarche politique s’est poursuivie, avec la mise en place de la fin de l’éclairage nocturne publicitaire, la suppression des publicités en toitures et le retrait de tous les panneaux de 8 et 12 m2« La publicité est désormais bannie sur 90 % du territoire de la commune de Grenoble », s’enthousiasme l’édile, soulignant le combat de la ville contre le « consumérisme ». Sur le même modèle, à Lyon, une réflexion a été menée, qui devrait aboutir à la réduction de 60 à 90 % du nombre de panneaux d’ici à 2026. Dans un autre registre, à Nantes, les voitures des tramways ne comportent plus d’affiches commerciales.

Une manne pour les communes ? C’est relatif

Mais la limitation de la publicité, qui est une source de recettes pour les collectivités, a évidemment un impact économique. Dans un entretien à l’AFP publié en 2020, la maire de Paris, Anne Hidalgo, soulignait les problèmes financiers liés à sa suppression : « Si je pouvais me passer de publicité, je le ferais volontiers, mais je n’ai pas encore trouvé la solution magique pour effacer 40 millions d’euros de recettes du budget de la ville, à un moment où on a été très ponctionnés par l’État. »

Bien qu’ambitieuse, la suppression de toutes les publicités en ville n’est pas possible en l’état actuel du droit. En effet, l’article 1 du Code de l’environnement assure la liberté d’expression et protège donc les affichages aussi bien commerciaux que politiques. Une collectivité peut renégocier les contrats d’affichage publicitaire lorsqu’ils arrivent à échéance, mais elle n’a pas le pouvoir d’interdire les affichages, notamment dans les vitrines de magasins ou dans les commerces de proximité.

« C’est possible de changer la législation, tout est une question de volonté politique, considère David Cormand, député européen EELV et auteur de l’ouvrage « Temps de cerveau libéré : en finir avec la publicité » 1. On peut aussi décider du type de publicité qu’on souhaite voir. Il est tout à fait possible de se passer d’affichage incitant à la surconsommation et de privilégier les affichages des kiosques à journaux sur la presse. » Mieux choisir l’affichage commercial, privilégier les contenus culturels et solidaires, limiter les écrans numériques… Autant de défis qui entrent en résonance avec les souhaits des Français : selon un sondage BVA publié en 2022, 54 % des personnes interrogées plébiscitent l’interdiction de la publicité lumineuse dans l’espace public.

 

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