samedi 10 février 2024

Élections européennes : « Il faut développer le Lyon-Turin », appelle Léon Deffontaines

La tête de liste du PCF pour les élections européennes Léon Deffontaines, était en Savoie avec Fabien Roussel mercredi 7 et jeudi 8 février. Dans la vallée de la Maurienne, il a visité le chantier de la ligne ferroviaire Lyon-Turin qui permettra le développement du fret ferroviaire entre l’Italie et la France, respectivement deuxième et troisième puissances industrielles de l’Europe. Entretien à propos d’un sujet qui fait débat à gauche.

Pourquoi vous rendre sur le chantier de la liaison Lyon-Turin, qui fait débat à gauche ? N’est-ce pas une forme de provocation ?

Au contraire. Le chantier Lyon-Turin est un projet que nous souhaitions populariser et développer à l’échelle de l’Union européenne (UE). Avec Fabien Roussel, nous sommes allés rencontrer les acteurs, les salariés, les ouvriers qui travaillent. Ce projet est le type de grands travaux utiles que nous voulons défendre au Parlement européen. Si, conformément à l’objectif du Groupe d’experts international pour le climat (Giec) et de l’UE, nous voulons atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, si nous voulons diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, nous n’avons d’autre choix que de développer massivement le fret ferroviaire, de remplacer les camions par des trains.

Il faut savoir que circulent entre l’Italie et la France aujourd’hui 40 millions de tonnes par an, dont 8 % seulement passent par la ligne de fret ferroviaire existante. Le développement des infrastructures de fret, et notamment du tunnel entre la vallée de la Maurienne et l’Italie est indispensable pour développer le transport de ces marchandises d’un côté comme de l’autre.

J’ajoute que c’est un fret ferroviaire public qui doit être développé. Construire des infrastructures, c’est bien. Avoir des cheminots pour faire rouler les trains, c’est mieux.

Une partie de la gauche et des écologistes estime qu’il y a des alternatives au percement d’un tunnel, qu’il s’agit d’un projet ancien à stopper. La quantité de camions qui doit transiter dans la vallée pour évacuer les déblais est critiquée…

Ce sont des arguments fallacieux. Nous nous sommes rendus sur place pour voir ce qu’il en était réellement de ce trafic de camions. On a affaire à un chantier bas-carbone, plutôt exemplaire. Toute une partie est électrifiée. Une grande partie des gravats sont réutilisés pour faire du ciment et n’est pas évacuée par camion mais par des bandes transporteuses électriques, des sortes de tapis roulant qui transitent sur plusieurs kilomètres.

On nous parle d’alternatives. Le projet a été baptisé à tort Lyon-Turin. Il s’agit en réalité d’une ligne entre Séville en Espagne et l’Est de l’Europe, notamment Budapest en Hongrie. Aujourd’hui, à ce maillage ferroviaire manque précisément un petit chaînon qui est la liaison entre Lyon et Turin. Si nous voulons développer considérablement le fret ferroviaire, nous n’avons d’autre choix que de construire ce chaînon manquant, un tunnel de 57 kilomètres.

C’est ce qui fait qu’une part considérable de marchandises en Europe transite par voie routière, notamment entre l’Italie et la France. Cela se fait non seulement au détriment de l’environnement, mais également de la santé des habitants sur place. Tous les ans, en Savoie, 200 personnes meurent prématurément du fait du trafic routier. C’est un scandale sanitaire.

Est évoquée la possibilité de moderniser la ligne déjà existante. Pourquoi ne pas choisir cette option ?

Ce n’est pas possible. La ligne actuelle (qui passe à 1 200 m d’altitude, NDLR) étant en pente, on est obligés d’ajouter une locomotive à l’arrière du train pour monter. Ensuite, l’engin est obligé de revenir à vide. Il y a une limite matérielle à la quantité de marchandise qu’il est possible de faire transporter par le tunnel existant. En revanche, on appelle le tunnel en train d’être percé un tunnel de base car il est à la base de la montagne (en moindre altitude, NDLR).

Votre objectif de développement du fret répond à un projet plus global de réindustrialisation de l’Europe. Que faut-il changer pour aller dans ce sens ?

Pour engager une nouvelle industrialisation de l’Europe, nous avons besoin d’une coopération, notamment pour l’industrie renouvelable, les panneaux photovoltaïques. On a besoin de s’appuyer sur les fleurons industriels des États. En l’occurrence, l’Italie et la France ont beaucoup à faire à l’avenir notamment pour le développement de l’industrie nucléaire. Pour cela, il faut développer les liaisons pour transporter les marchandises de part et d’autre de la frontière, les infrastructures de transport, si possible décarbonées et ferroviaires, entre les différents pôles industriels.

La réindustrialisation passe par un investissement dans une énergie à bas coût décarbonée, avec un mix nucléaire-renouvelable. On défend ces deux sources d’énergie car ce sont elles qui nous permettent d’avoir la maîtrise de nos factures d’électricité, de garder notre souveraineté énergétique en ne dépendant pas du gaz qui a considérablement augmenté depuis le conflit en Ukraine. Pour réindustrialiser, il faut être attractif du point de vue de la facture énergétique.

Il faut également développer des politiques de coopération industrielle et mettre davantage de contraintes sur les produits qui sont importés. Aujourd’hui, une grande majorité des panneaux photovoltaïques vient de Chine. C’est un véritable scandale. On devrait favoriser dans les commandes publiques, l’installation de panneaux produits sur notre continent. C’est vrai aussi des pompes à chaleur. Avec la règle de la libre concurrence, c’est impossible. C’est quelque chose à remettre en cause pour favoriser l’industrie européenne et française également, surtout si on veut répondre à l’impératif environnemental.

Vous étiez mercredi à Chambéry. Vous êtes engagés dans une série de rencontres publiques. Que retenez-vous des interventions des citoyens qui s’y expriment ?

Dans les cœurs ou les banlieues de métropoles, en zone périurbaine, dans les petites villes ou de taille moyenne, à Chambéry ou à Montauban, j’entends les mêmes mots pour me parler des reculs du service public, des difficultés à boucler les fins de mois, de la hausse des factures d’électricité, du prix des médicaments. On se plaint des bas salaires. Il y a une réalité commune à l’ensemble des populations. La lutte contre la vie chère pour permettre d’augmenter les salaires et diminuer les factures devrait être la priorité de l’action publique. J’en fais une priorité.

 

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