dimanche 4 février 2024

Mobilisations massives contre l’extrême droite en Allemagne


Alors qu’elles durent depuis le 17 janvier, avec deux week-ends consécutifs de manifestations exceptionnelles par leur ampleur, les mobilisations qui ont lieu actuellement en Allemagne sont totalement ignorées des médias français.

Plus d’un million de personnes sont descendues dans les rues lors du week-end du 20-21 janvier, dont 350 000 à Berlin et 250 000 à Munich, pour dire non à l’extrême droite et à la montée du parti AfD ; pendant la semaine qui a suivi, ce mouvement de protestation a gagné de très nombreuses villes, y compris moyennes et petites, dans toute l’Allemagne. Le week-end du 27-28 janvier a vu le mouvement s’étendre et se renforcer et aussi gagner l’Autriche où l’extrême droite se tient également en embuscade.

L’élément déclencheur fut la révélation par le site d’investigation Correctiv de la tenue d’une réunion secrète le 25 novembre dernier dans un hôtel de Potsdam de personnalités d’extrême droite allemandes et autrichiennes pour discuter d’un plan de « remigration » de plus de deux millions d’étrangers et de citoyens allemands d’origine étrangère non suffisamment assimilés vers l’Afrique du Nord. À cette réunion participaient des responsables de l’AfD ainsi que des membres de « l’Union des Valeurs », groupe ultra conservateur au sein de la CDU mais qui vient de faire scission. Était aussi présent l’extrémiste néonazi autrichien Martin Sellner, l’un des propagateurs du concept de « remigration » que l’on retrouve d’ailleurs dans le programme électoral de l’AfD, mais sans les précisions effrayantes des discussions de Potsdam.

Ces révélations sur les dérives néonazies de l’extrême droite ont provoqué un choc énorme en Allemagne, comme le montre la comparaison qui y est faite avec la conférence de Wannsee de 1942 où fut décidée la « Solution finale », précisément au moment où l’on commémore le souvenir de l’holocauste à la date anniversaire de la libération d’Auschwitz le 27 janvier 1945. Au-delà des réminiscences historiques, c’est soudain la prise de conscience aigüe du danger que représente la montée de l’extrême droite qui s’est emparée d’une large partie de la population dans des manifestations organisées par des associations et collectifs de la société civile. C’est que les sondages donnent l’AfD à plus de 20 % pour les élections européennes, et à plus de 30 % dans 3 Länder de l’Est où auront lieu des élections régionales à l’automne prochain. Entre-temps, les responsables des partis politiques, le Chancelier, les ministres, les élus régionaux prennent la parole pour saluer et soutenir ce mouvement, mais ce sont bien les citoyens qui alertent sur le risque d’un possible mouvement de bascule dans la société et sur l’urgence qu’il y a à agir contre l’extrême droite. Ce sursaut salutaire des consciences montre que l’antinazisme est fortement ancré dans la population allemande, ce dont il faut se réjouir.

Les mobilisations actuelles en Allemagne et en Autriche peuvent être un signal pour les peuples d’Europe : il ne faut tolérer de la part des gouvernements et des partis établis aucune compromission avec les idées nauséabondes de l’extrême droite sur l’immigration. Les conservateurs allemands et autrichiens font comme leurs homologues en France et en Europe, ils croient pouvoir reprendre à leur compte certaines propositions extrémistes et nourrissent ainsi toutes les dérives. Cependant, les raisons du malaise de la société allemande et la détresse sociale de larges secteurs de la population n’ont pas disparu. Le rejet massif des positions extrémistes ne suffira pas si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes de la montée de l’AfD. À cet égard, la politique de l’actuelle coalition au pouvoir en Allemagne qui prône le retour à la rigueur et rogne sur l’État social suscite colère et désespoir que l’AfD cherche à dévoyer. Cette politique reflète celle des autres gouvernements européens de cette Europe libérale incapable de répondre aux besoins des habitants et des peuples.

Pour combattre et battre l’extrême droite, il nous faut certes intensifier les mobilisations populaires et dénoncer ses projets comme le font nos voisins, mais il nous faut en outre proposer les alternatives nécessaires. C’est ce qui figurera au cœur de la prochaine campagne pour les élections européennes. En tout cas, l’actualité nous le montre : les dérives droitières ne sont pas fatales !

Alain Rouy

Collectif Europe, secteur International du PCF

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire