La volonté de Gabriel Attal d’intégrer les logements intermédiaires au décompte de la loi SRU est dénoncée tant à gauche que par le monde associatif et les bailleurs sociaux. Un « détricotage » en règle de la loi SRU qui impose aux communes au moins 25 % de logements sociaux.
En pleine crise du logement, le premier ministre Gabriel Attal s’en est pris lors de son discours de politique générale, mardi 30 janvier, à un outil majeur de l’accès à ce droit, la loi SRU, sous couvert d’un « choc de l’offre » à rebours de toutes les attentes pour résorber la pénurie. L’hôte de Matignon a ainsi annoncé vouloir modifier la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains qui prévoit un plancher de 25 % de logements sociaux par ville. Au prétexte de « soutenir les couches moyennes » (dont beaucoup restent éligibles au logement social, comme 80 % de la population), il veut intégrer au décompte les logements intermédiaires.
« On marche sur la tête »
Outre « revoir les DPE, simplifier l’accès à MaPrimeRénov, faciliter la densification, lever les contraintes sur le zonage, accélérer les procédures », il souhaite également donner la main au maire sur l’attribution des logements sociaux neufs et se réjouit d’annoncer l’accélération des formalités pour créer 30 000 logements en trois ans, sur le modèle de ce qui a été fait à l’occasion des Jeux olympiques.
« Gabriel Attal remet aujourd’hui en cause la loi SRU. À l’avant-veille des 70 ans de l’appel de l’abbé pierre. Alors que la France compte 330 000 sans-abri. Alors que 3 000 gosses dorment dehors. Colère », s’est indigné Ian Brossat, porte-parole du PCF et sénateur. Une réaction qui fait écho à celle du monde associatif et du logement social.
« S’il s’agit d’aider les villes qui font en sorte que les classes moyennes supérieures et classes supérieures soient bien à l’abri de quoi que ce soit, on marche sur la tête », a fustigé mardi matin Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la Solidarité sur franceinfo, estimant que tout se passe comme si les précaires « n’existaient pas, sauf pour les rendre responsables de la crise des classes moyennes, ou pour leur enfoncer la tête un peu plus (en disant) qu’ils sont dans la pauvreté parce qu’ils ne veulent pas travailler ».
« Depuis 2017, le gouvernement a coupé dans le budget des bailleurs sociaux »
De son côté, la Fondation Abbé Pierre avait déjà épinglé, en décembre, un « bilan décevant » de la loi SRU sur la période 2020-2022 alors que « sur 1 031 communes soumises à la loi SRU, 659 n’ont pas atteint leurs objectifs 2020-2022, soit 64 % » (contre 47 % trois ans plus tôt). «D’un côté, nous avons 2,6 millions de foyers demandeurs en attente d’un logement social. De l’autre, nous avons une dynamique de construction qui n’a jamais été aussi faible depuis 17 ans. L’an passé, ainsi, seulement 82 000 logements sociaux ont été financés, contre 125 000 en 2017, au début du premier quinquennat », a rappelé son délégué général Christophe Robert, interrogé par Capital, après l’intervention du premier ministre.
« Le choix de Gabriel Attal est clairement de soutenir le logement intermédiaire, aux loyers plus élevés. Nous pensons que c’est une mauvaise idée », poursuit-il pointant que « depuis 2017, le gouvernement a coupé dans le budget des bailleurs sociaux, tout d’abord en augmentant la TVA de 5,5 % à 10 % sur leurs constructions, puis en mettant en place la réduction de loyer de solidarité (RLS) financés par ces organismes. Les bailleurs sociaux ont ainsi perdu 1,3 milliard d’euros par an en raison de ces deux mesures ».
2,6 millions de familles en attente d’un logement social
« Il ouvre la boîte de pandore aux maires gentrifieurs et aux sécessionnistes : le contingent préfectoral des prioritaires dédié au DALO et aux prioritaires sera cédé au maire sur les logements sociaux neufs, les PLI seront comptés comme du logement social dans les communes carencées, les PLI seront financés par le Livret A pourtant et jusqu’alors dédié à la production de logements sociaux », abonde l’association Droit au logement (DAL) qui s’interroge : « Que fait Mr. Attal des 2,6 millions de familles en attente d’un logement social, des 25 % les moins riches des locataires contraints de mettre jusqu’à 60 % de leur revenu pour nourrir la rente de Mr. Vautour, des 350 000 et plus encore de sans-abri, des millions de mal logés qui vivent dans des passoires thermiques, en surpeuplement, dans des logements dangereux pour la santé, des victimes de marchands de sommeil ? »
Du côté des bailleurs sociaux, l’appréciation n’est pas moins sévère. « C’est une remise en cause, une façon de détricoter la loi SRU, a dénoncé, dans Le Monde, Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat. Le logement locatif intermédiaire n’a pas de vocation sociale, il s’agit de logements aidés par l’État, mais pour loger la classe moyenne “haute” : il n’y a pas de commission d’attribution, pas de contrôle des ressources des locataires après leur entrée dans le logement, aucune obligation liée à la solidarité. »
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