samedi 10 février 2024

Ministère du Logement : sidération et colère des associations après la nomination de Guillaume Kasbarian, auteur de la loi « antisquat »


 La nomination du député Renaissance Guillaume Kasbarian, auteur d’une des lois les plus répressives sur les expulsions locatives, comme ministre délégué au Logement a fait l’effet d’un séisme parmi les associations mobilisées sur le terrain. Elles dénoncent « une provocation » alors que le logement connaît une crise historique.

Un mois d’attente, dans un contexte de crise aiguë du logement, pour en arriver à la nomination d’un ministre qui s’est illustré par la confection d’une loi ultra-répressive sur les expulsions, visant les plus vulnérables. C’est l’amer sentiment qui domine à gauche et parmi les associations mobilisées dans le secteur, après avoir découvert, jeudi 8 février dans la soirée, que le député Renaissance d’Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian, ex-consultant dans des cabinets de conseil et libéral décomplexé, avait hérité du portefeuille ministériel dédié au Logement, à la faveur du remaniement.

« Ce choix relève du mépris le plus complet »

« Le nouveau ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, est l’auteur de la loi la plus répressive sur les expulsions depuis des décennies », s’est indigné sur son compte X (ex-Twitter) Jacques Baudrier, l’adjoint à la maire de Paris chargé du Logement. Il fait référence à sa loi dite « anti-squat », adoptée en juin 2023, au mépris des multiples alertes de la Défenseure des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et des rapporteurs spéciaux de l’Organisation des Nations unies, visant à « protéger les logements contre l’occupation illicite » et « mieux réprimer le squat des logements et sécuriser les rapports locatifs ». En d’autres termes, pour faciliter l’expulsion des locataires les plus pauvres.

« Cette nomination est une véritable provocation », a réagi jeudi soir sur franceinfo, Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui rappelle que « Guillaume Kasbarian s’est battu pour que des Français qui ne peuvent pas payer leur loyer fassent des peines de prison ». La proposition de loi, cosignée par Aurore Bergé, prévoyait en effet la création d’une peine de six mois de prison pour les locataires en impayés de loyer refusant de partir d’eux-mêmes après un jugement d’expulsion, avant que cette disposition, jugée trop répressive, ne soit supprimée par le Sénat. Avec cette loi, les peines encourues pour les personnes occupant des logements de « façon illicite » avaient été toutefois nettement alourdies, passant d’un à trois ans d’emprisonnement et de 15 000 euros à 45 000 euros d’amende. « Le choix (de ce ministre) relève soit de l’inconscience, soit du mépris le plus complet », a ajouté Pascal Brice, sur franceinfo.

Même sidération au sein de la Fondation Abbé Pierre : « C’est un signal clairement négatif, qui fait craindre une rupture en faveur d’une politique encore plus hostile aux plus pauvres », selon son directeur des études, Manuel Domergue. « L’homme qui rêve de mettre en prison celles et ceux n’arrivant plus à payer leur loyer devient ministre du logement. Nous n’avons plus les mots pour exprimer notre dégoût », s’est également indignée l’association Utopia 56, qui a réagi sur son compte X, peu après cette annonce.

William Martinet, député la France insoumise, pointe pour sa part le fait que « Kasbarian est précurseur dans l’alliance macro-lepéniste. Avec les voix du RN, il a fait voter une loi qui condamne à 3 ans de prison les SDF qui occupent un local vide », ajoutant : « La haine des pauvres, valeur cardinale de la macronie. »

De fait, cette nomination est cohérente avec le basculement toujours plus à droite de la politique engagée par Emmanuel Macron. Le discours de politique générale de son premier ministre Gabriel Attal en avait déjà donné un avant-goût, avec l’attaque en règle de la loi SRU, qui impose aux communes au moins 25 % de logements sociaux.

Au moment du vote de la loi anti-squat, l’association Droit au logement (Dal) s’était mobilisée sous ce mot d’ordre : « Se loger n’est pas un crime c’est un droit ! » Il résume aujourd’hui l’extrême inquiétude des associations mobilisées sur le terrain, alors que 330 000 personnes sont privées de toit en France.

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