Les 27 se sont rapprochés d’un compromis destiné à remettre en route le pacte dit de stabilité, dont les règles sont suspendues depuis près de quatre ans en raison de la pandémie de Covid, puis de la guerre en Ukraine. Le pacte doit être rétabli au 1er janvier 2024.
Imprégné d’orthodoxie monétariste, il place sous surveillance les budgets des États membres, leur interdisant tout écart des fameux critères de Maastricht avec une limitation des déficits à 3 % et de l’endettement public à 60 % du PIB. Bruxelles et les États membres devront ainsi accentuer encore le rationnement de leurs investissements publics pour consacrer leurs efforts au capital et à ses exigences en matière de compétitivité.
Un enjeu de classe resurgit ainsi avec force. Les syndicats européens sont bien conscients de ce qui se joue autour des négociations en cours. C’est la raison pour laquelle ils appellent, avec la Confédération européenne des syndicats (CES), dont toutes les organisations françaises, à une grande manifestation, ce mardi 12 décembre, à Bruxelles, contre une nouvelle extension de l’austérité et pour la mise en œuvre d’un pacte de stabilité au moins amendé ou même porteur d’une tout autre logique.
Une « flexibilité transitoire » pour la France
Le ministre français Bruno Le Maire s’est félicité du compromis trouvé le 8 décembre avec son collègue allemand des Finances, le libéral Christian Lindner, et plaide pour sa ratification lors d’un prochain sommet dit Ecofin (économique et financier) le 19 décembre. Paris fait valoir l’obtention d’une « flexibilité transitoire » pour certaines dépenses labellisées stratégiques auprès de Berlin, qui se montre, lui, intransigeant sur un retour aux contraintes imposées aux États.
Le texte, qui conserve les références aux lois d’airain de Maastricht, permettrait à la dizaine de pays, dont la France, menacés de sanctions pour déficit excessif d’y échapper provisoirement s’ils engagent des investissements conformes aux priorités du moment dans l’armement ou la transition énergétique. Moyennant quoi, ils s’obligent tout de même à réduire leur déficit de 0,5 % par an pour revenir dans les normes de Maastricht au plus tard d’ici à 2027. L’austérité serait ainsi encore plus sensible sur tous les autres postes d’intérêt public.
Ironie du sort : ce marchandage est imposé par Berlin et son modèle austéritaire au moment même où il est taraudé par une crise majeure. Ainsi, les très importantes ristournes publiques destinées à réduire les factures d’électricité des entreprises du ministre allemand de l’Économie, le vert Robert Habeck, au nom de la préservation de leur compétitivité, ont-elles été retoquées par la Cour suprême.
Le transfert de quelque 60 milliards d’euros de lignes de crédit non utilisées durant la période Covid a été jugé illégal, car contrevenant au « frein à la dette ». Soit une règle d’or introduite en 2009 dans la Constitution qui interdit tout dépassement du déficit fédéral de plus de 0,35 % du PIB. Les frais engagés en 2022 pour augmenter les dépenses d’armements de 100 milliards d’euros y avaient opportunément échappé au nom déjà de considérations « stratégiques » exceptionnelles.
Sauver des eaux un tel pacte ne ferait que renforcer les souffrances populaires si propices aux populismes d’extrême droite ou souverainiste, à un moment où d’immenses déficits d’investissements sociaux et humains, dans les services publics et la lutte pour le climat, affectent toute l’Europe, Allemagne comprise. Trouver un vrai pacte européen pour y faire face est essentiel. Durant la pandémie, des crédits gratuits de la Banque centrale européenne ont été massivement déversés sur le capital. Sans condition. Réactiver ce « quoi qu’il en coûte » aujourd’hui mais pour le mettre sélectivement au service du plus grand nombre ne serait-il pas faire œuvre de salut public européen ?
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