vendredi 29 décembre 2023

Biodéchets : les collectivités locales pas encore au rendez-vous


 La mise en place d’un système de tri et de valorisation des biodéchets dans toutes les municipalités d’ici à 2024 n’est pas encore une bataille gagnée. Si, dans quelques villes, des bacs de collecte collectives et des ramassages d’ordures ont fleuri ces dernières années, une petite partie seulement des communes propose aujourd’hui un centre de tri des biodéchets. Ce tri représente pourtant un point central dans la lutte pour la réduction des déchets.

Collecte en porte-à-porte, apport dans des bornes spécialisées, bac de compostage individuel… À compter du 1er janvier 2024, les ménages auront l’obligation de trier leurs déchets alimentaires et les déchets verts de jardin afin qu’ils soient valorisés en solutions de compostage par les collectivités. Cette mesure fait partie de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi Agec), adoptée en 2020, qui vise à lutter contre le gaspillage alimentaire.

Les biodéchets, de quoi parle-t-on ?

On appelle « biodéchets » les déchets organiques putrescibles : les déchets alimentaires tels que les restes de repas, de préparations (épluchures) ou les produits périmés non consommés et les déchets issus de l’entretien des parcs et jardins ou « déchets verts » (tontes de pelouse, feuilles mortes, tailles d’arbustes, haies et brindilles, etc.). Un tiers du contenu des poubelles ménagères des Français est constitué de déchets organiques, soit 83 kg de déchets résiduels par habitant et par an selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

D’après l’association Zero Waste France, « on parle de 5 millions de tonnes par an de déchets, qui finissent aujourd’hui brûlés ou en décharge avec des pollutions extrêmes ». Incinérés, ces déchets, majoritairement composés d’eau, « entraînent une combustion contre nature émettant des dioxines (des polluants persistants) et des gaz à effet de serre, détaille l’ONG. Enfouis, ils fermentent et leur décomposition ne s’effectue pas dans de bonnes conditions, conduisant à d’importantes émissions de méthane, un gaz au pouvoir de réchauffement global supérieur à celui du CO2. »

Que prévoit la loi Agec ?

Concrètement, les collectivités doivent fournir à leurs administrés une solution pour évacuer leurs restes alimentaires de la poubelle, soit en mettant en place des points d’apport volontaire (pour 250 habitants en zones rurales ou dans un rayon de 150 mètres autour des habitations dans les communes urbaines), des compostages de proximité ou une collecte en porte-à-porte. Celle-ci impliquant d’équiper les ménages d’un bac de collecte spécifique et d’organiser un ramassage au moins une fois par semaine. Le compostage individuel est aussi une possibilité, mais il n’y aura aucune obligation.

Comment ce tri sera-t-il proposé ? Quels sont les objectifs ? Que se passera-t-il en cas de non-respect des collectivités ? D’après un avis publié le 9 décembre dernier au « Bulletin officiel » de la transition écologique, les solutions peuvent être déployées de manière complémentaire selon les territoires. Et le ministère semble laisser une large marge de manœuvre aux collectivités. « Pour des motifs liés à l’accessibilité, à la qualité et à la performance du geste de tri, la collecte en porte-à-porte est, dans la mesure du possible, privilégiée », indique-t-il.

Bien qu’il soit question d’obligation au 1er janvier, il suffira que la commune ait décidé de lancer « une étude de préfiguration » au plus tard le 31 décembre 2023 pour qu’on considère qu’elle est déjà impliquée dans une démarche de tri à la source. Aucune sanction ni objectif de résultat ne sont prévus pour le moment. Quant aux collectivités qui opteront pour les points d’apport volontaire, elles devront être « en mesure de justifier d’un taux de participation satisfaisant, en lien avec la bonne accessibilité de leur dispositif ».

Seulement un tiers des Français bénéficient d’une solution

Le problème, c’est qu’« on est très loin du compte », alertait il y a quelques semaines Juliette Franquet, la directrice de l’association Zero Waste France, expliquant que les collectivités locales ne sont pas prêtes. Alors que ce sont elles qui, en tant que responsables du service public de gestion des déchets, doivent fournir aux citoyens une solution de tri à la source des biodéchets.

« On estime à 6 à 7 millions le nombre de Français qui bénéficient de collectes sélectives », évalue Nicolas Garnier, le délégué général de l’association Amorce, qui accompagne les collectivités dans la gestion des déchets ménagers. Et selon l’Ademe, un tiers des Français pratiqueraient le compostage. Au total, cela fait une petite vingtaine de millions de Français, soit un tiers de la population, qui bénéficient d’une solution, variable selon les territoires, certains pouvant mixer les solutions.

Un surcoût qui repose essentiellement sur les collectivités

« On a fait semblant de croire qu’on allait réduire les déchets biodégradables gratuitement. Mais une bonne gestion, cela a un coût », assène Nicolas Garnier. Et de rappeler que les collectivités ont bien mené des études de faisabilité. Mais, en raison de l’explosion des coûts et des taxes dans la gestion de déchets, les collectivités locales ne seront pas au rendez-vous, en grande partie pour éviter une nouvelle hausse de la taxe et de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères pour les Français. L’Ademe estime entre 15 et 25 euros par habitant le coût pour les collectivités de la mise en place d’une collecte séparée des biodéchets.

« On a fait semblant de croire qu’on allait réduire les déchets biodégradables gratuitement. Mais une bonne gestion, cela a un coût »

Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce

La gestion coûte ensuite 21 euros par habitant et par an, en moyenne. « Alors que le coût de la gestion de la redevance sur l’enlèvement des déchets a énormément augmenté ces trois dernières années, de 1,5 à 2 milliards d’euros. Dans ce contexte, il est difficile de dire aux habitants que l’on va encore augmenter les impôts locaux… » Pour Amorce, la solution serait de quadrupler les aides de l’Ademe dans les trois années à venir. « Ce surcoût aurait dû être compensé par l’État. Or, l’État ne donne que 5 % du surcoût. C’est aux collectivités de financer 95 % de ce surcoût. Alors qu’à l’autre bout de la chaîne, on n’impose pas aux éco-organismes d’atteindre des objectifs de recyclage », conclut Nicolas Garnier.

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