jeudi 21 décembre 2023

Lorsque l’extrême centre mène à l’extrême droite


 Après cette nuit d’infamie sidérante, il nous faut nous réunir et agir, et poursuivre le combat avec nos forces, nos mots. En cette année 2023 qui voit le 230e anniversaire de la constitution la plus démocratique rédigée en France, au mois de juin 1793, voici ce que des députés viennent de voter une loi infâme.

Ils devraient pourtant avoir lu ce qui fonde un des socles de notre citoyenneté, gravé en 1793 : « De l’état des citoyens/Article 4. – Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; – Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année – Y vit de son travail – Ou acquiert une propriété – Ou épouse une Française – Ou adopte un enfant – Ou nourrit un vieillard ; – Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité – Est admis à l’exercice des Droits de citoyen français. »

Être français en clair, constitue le fait de vouloir vivre ensemble dans un ensemble de réseaux de travail, de solidarité de bienveillance, avec un projet commun, celui d’une république où nul préjugé sur l’origine des citoyens ne peut importer.

Ce ne sont pas seulement les principes intangibles de la Révolution qui ont été bafoués dans l’affirmation d’une préférence nationale, faisant de fait référence à un droit du sol détestable car il a été le terreau de tous les racismes du XIXe siècle puis des catastrophes du XXe siècle et aujourd’hui de la remontée des fascismes dans tous les continents. C’est aussi une misérable victoire des Anti-Lumières à laquelle nous sommes contraints d’assister.

C’est la vieille revanche des Taine, des Barrès, des Maurras, les pires réactionnaires qui soient, tenants du droit du sol et toujours inspirateurs des programmes d’extrême droite du XXe et du XXIe siècles. Pourtant l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, le phare des Lumières, est claire : « la nation, c’est une quantité considérable de peuple, qui habite une certaine étendue de pays, renfermée dans de certaines limites et qui obéit au même gouvernement ».

Pas un mot sur l’histoire, la culture, la langue, la religion et l’ethnie. Comme le commente Zeev Sternhell : « Voilà en quoi consiste la naissance du constat sur lequel reposent les droits de l’Homme, cet héritage unique des Lumières françaises ».

Imagine-t-on une seconde la France et son histoire sans l’apport de toutes et tous les étrangers qui y sont venus ? Imagine-t-on ce que serait ce pays si pendant, non 48 heures mais seulement 24 heures, les étrangers cessaient de travailler ? Nous serions tout simplement au bord du chaos, dans les hôpitaux, dans la restauration, dans les BTP, dans le nettoyage des lieux publics.

Mais dans quelle galère est allé se fourrer le gouvernement d’extrême centre ? Pourtant est-ce bien étonnant ? De rémissions en démissions, de compromis en compromissions, une triste histoire de France se répète, celle qui sort du pacte républicain par peur, par lâcheté devant les forces toujours vives de la contre-révolution et de tous ses visages différents depuis 1789.

Un gouvernement qui prétend s’élever au-dessus des partis et a construit son programme sur le brouillage idéologique du tout en même temps, une rhétorique d’un calme glacial et une utilisation exagérée des forces de police mises à la disposition du pouvoir exécutif toujours plus invasif, ne peut faire que le jeu des forces réactionnaires, soutenant le pouvoir autoritaire et la croyance en la supériorité du pouvoir exécutif sur la souveraineté nationale.

Ce qui s’est joué au second tour de 2017, avec la réapparition de l’extrême centre, puis le calcul délibéré pour organiser le second tour de 2022, est déjà de l’histoire. Le présent écrit aujourd’hui la logique implacable de ce qui pourrait se jouer en 2027 et qui semble inéluctable par les liens malsains entretenus par l’extrême centre et l’extrême droite, lors de chaque crise historique qu’a dû traverser la France depuis 1799 et le coup d’État de Bonaparte. Mais il n’est pas dit que nous devions subir le futur, au contraire, la constitution de 1793 indique un autre chemin :

« Article 28. Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.

Article 33. La résistance à l’oppression est la conséquence des autres Droits de l’homme ».

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