dimanche 3 décembre 2023

Scandale des Ehpad Emera : Sophie Binet interpelle Aurore Bergé


La secrétaire générale de la CGT adresse une lettre ouverte à la ministre des Solidarités et des Familles, ainsi qu’à la Défenseur des droits et à Claude Cheton, fondateur d’Emera, un groupe d’Ehpad récemment mis en cause pour des pratiques de maltraitance à l’encontre de ses résidents comme de ses salariés.

« Je vous saisis ce jour suite aux récentes révélations de maltraitance concernant le groupe d’Ehpad privé Emera. En effet, la CGT a été alertée par de nombreux salarié·es et familles de résident·es du groupe de situations de violences physiques et verbales, de manquements au soin, à l’hygiène, etc. Ces situations, malgré de nombreuses alertes aux ARS, à l’inspection du travail, les médecines du travail, des plaintes déposées et des révélations médiatiques, ne font que se multiplier. La CGT, première organisation syndicale au sein du groupe, a alerté maintes fois d’innombrables et graves dysfonctionnements sur des établissements partout en France : la résidence l’Eau Vive, Douceur de France, Bérengère, Sophie, les Mille Soleils, Martigues, La Tournelle… Je pourrais multiplier les exemples.

Alors que le défenseur des droits publiait déjà en mai 2021 un rapport pointant la maltraitance systémique des groupes d’Ehpad privés à but lucratif, il apparaît que le groupe Emera entretient encore aujourd’hui un système de maltraitance généralisée qui s’opère chaque jour auprès de leurs plus de 4000 résident.es et 2800 salarié·es.

« 14 minutes par résident.e »

Ainsi, le personnel, pressurisé, en sous-effectif et sous-payé, n’a d’autre choix que de travailler dans la détresse et la précipitation. Au sein du groupe Emera, la journée type d’une aide-soignante est rythmée par une cadence infernale : repas, soins, déplacements, animation… Une matinée classique, c’est 1 aide-soignante pour 15 résident·es qui doit, en 3 heures 30 de temps donner le petit-déjeuner et administrer les soins de santé. Cela représente 14 minutes par résident·e, comment respecter le résident dans ces conditions ?

Je vous rappelle que ces conditions de travail sont inacceptables et s’opèrent au détriment du respect de la dignité et de la vie humaine. Les conséquences sont donc tout aussi dramatiques pour les personnels : dégradation sans précédent des conditions de travail, souffrance des agents, perte de sens du métier, multiplication des accidents de travail.

Pourtant, lorsque les représentant.es du personnel dénoncent ce système défaillant les mettant en danger tout autant que les résident·es, ils et elles sont menacé·es de sanctions et les directions utilisent des méthodes d’intimidation pour les faire taire.

Je tiens tout particulièrement à vous alerter, Madame la ministre, sur la pression faite aux salarié·es, surtout celles et ceux syndiqué·es à la CGT. Il s’avère en effet que depuis les révélations médiatiques, le groupe Emera pressurise familles, salarié·es et directions qui ont eu le courage de prendre la parole et dénoncer. Ces méthodes doivent cesser dans les délais les plus brefs.

Comme le secteur de la petite enfance, le secteur de la personne âgée fait face à des problèmes structurels favorisés par des gestionnaires privés exploitant leurs salarié·es. Dès lors, la différence de réglementation entre les gestionnaires privés et publics permet à des acteurs privés d’exploiter des salarié·es dans des conditions de rémunération et de travail inadmissibles mettant en danger les enfants et le personnel.

La CGT rappelle combien la marchandisation et la course aux profits de ces groupes lucratifs sont la cause de ces situations inhumaines et dramatiques

Sophie Binet

Pour exemple, la CGT a appris l’existence, lors d’un séminaire EMERA organisé pour ses cadres de direction en septembre dernier à Carcassonne, en vue « d’amuser » ses troupes, d’une pseudo-pièce de théâtre parodique jouée par des directeurs du groupe. Lors d’une scène, ces derniers face à un public de cadres hilares, se sont ouvertement moqués d’une part, de la déléguée syndicale CGT du groupe en citant expressément son nom, et d’autre part, de l’exercice du droit de retrait (droit exercé par les salarié·es lorsqu’ils sont en danger grave physique ou mental). Cette pièce de théâtre douteuse, a été filmée et s’est retrouvée sur les réseaux sociaux.

Encore une fois, ces exemples pourraient se multiplier. De telles dérives sont choquantes car elles sont le reflet d’un irrespect flagrant du droit des salarié·es, des élu·es et de leurs conditions de travail ; ce qui ne permet pas une prise en charge digne et respectueuse des résident·es.

« Pour une mission de contrôle de l’IGAS »

La CGT rappelle combien la marchandisation et la course aux profits de ces groupes lucratifs sont la cause de ces situations inhumaines et dramatiques. Nous restons totalement opposés à cette logique et réaffirmons que seuls des établissements publics ou non lucratifs doivent prendre soin des personnes vulnérables tout au long de leur vie.

Madame la ministre, je vous demande ainsi solennellement de saisir l’IGAS afin de réaliser une mission de contrôle, d’audit, d’expertise et d’évaluation du groupe Emera. Madame la Défenseur des droits, je vous demande de protéger salariés et familles qui prennent la parole pour dénoncer ces agissements. Pour rappel, le groupe de 7000 salarié·es répartis sur une centaine d’établissements au chiffre d’affaires de plus de 245 millions d’euros appartenant à la famille Cheton a été racheté en 2019 par les fonds d’investissement Ardian et Naxicap.

Dans l’attente de vous rencontrer, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, Madame la Défenseur des droits, mes salutations distinguées. »

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT.

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