mardi 23 juillet 2024

André Masson au Centre Pompidou-Metz

Comme nous l’avons écrit précédemment, les Isérois ont la chance de pouvoir découvrir jusqu’au 21 juillet, au Musée de Grenoble, une remarquable et immanquable exposition Miró. S’ils ne savent pas ensuite où partir en vacances, s’ils en ont encore les moyens financiers, je leur recommande un séjour en Lorraine à l’occasion duquel ils pourront, en particulier, visiter la ville de Metz (même s’ils l’ont déjà fait) et voir l’exposition André Masson au Centre Pompidou-Metz, intitulée Il n’y a pas de monde achevé.

Il y a plusieurs raisons de recommander cette exposition rétrospective où sont réunies plus de 300 œuvres, dessins, peintures, gravures, lithographies, sculptures… produites entre 1920 et 1987, année de la mort d’André Masson, né en 1896. D’abord parce qu’il fut l’un des plus grands artistes du XXe siècle. Ensuite parce que, malgré cela, il est mal connu et peu d’expositions lui ont été consacrées et parce qu’il a eu une influence très grande sur de nombreux peintres dont les expressionnistes abstraits états-uniens (Arshile Gorky, Jackson Pollock…), ainsi que sur Miró dès 1920, qu’il introduisit dans le mouvement surréaliste. Et c’est pourquoi les deux expositions de Grenoble et de Metz semblent constituer les deux volets d’un diptyque exceptionnel créé à l’occasion du centième anniversaire du Manifeste du surréalisme publié par André Breton en octobre 1924. André Breton dont l’attention avait déjà été attirée par le travail de Masson.

André Masson est le peintre qui a fait le cache de la célèbre peinture de Courbet, L’Origine du monde (aujourd’hui au Musée d’Orsay) pour son dernier propriétaire, son beau-frère Jacques Lacan. Si ses premières œuvres relèvent du cubisme, c’est à partir de 1925 qu’il évolue vers le surréalisme auquel il restera fidèle jusqu’à la fin, même s’il s’éloignera du groupe entre 1936 et 1939. Il inventera le dessin automatique, les tableaux de sable, il ne cessera d’expérimenter sous la dictée de l’inconscient afin de faire émerger les pulsions de sexe et de mort, la violence, le masochisme, l’abjection… tout le refoulé de la « nature » humaine ; la première guerre mondiale à laquelle il a participé dans l’infanterie lui a laissé des traumatismes physiques et psychiques. Il reprend, dans sa peinture, les grands archétypes de la mythologie antique, Osiris, Pasiphaé, Minotaure, Thésée et Ariane, Narcisse et Echo, Apollon et Daphné…

Le temps de la palabre.

Il a son atelier au 45 rue Blomet à Paris, là où il fait venir Miró, et où se rencontre régulièrement un groupe d’amis parmi lesquels les écrivains Michel Leiris, Georges Bataille, Antonin Artaud, Georges Limbour, Armand Salacrou, André Breton… Louis Aragon lui fait découvrir le grand poète mystique anglais William Blake (1757-1827) également graveur, dont certains poèmes expriment sa propre pensée. Et lui qui dessine des bouches en forme de sexe féminin créera des illustrations pour Justine de Sade, ainsi que pour Le Con d’Irène d’Aragon. Il illustrera d’ailleurs de nombreux livres de ses contemporains et d’auteurs plus anciens, des revues… Il était un très grand lecteur et l’exposition nous offre la restitution d’une partie de sa bibliothèque personnelle (2080 livres) très éclairante sur cet artiste incontestablement « cérébral ». C’est peut-être ce côté de sa personnalité qui explique que son œuvre soit plus difficile d’accès que celle d’autres artistes modernes et que peu d’institutions muséales lui aient consacré une rétrospective, une injustice que l’exposition de Metz vient corriger. Mais il fut accueilli par les plus grandes galeries.

Même s’il s’efforça toujours de laisser toute leur place aux automatismes et à l’inconscient, cela ne l’empêcha pas de produire des dessins satiriques féroces pour dénoncer le fascisme et le cléricalisme haineux et visqueux qui assassinaient la jeune République espagnole.

André Masson – Animal labyrinth (1956)

Peintre du changement qu’il exprime à travers certains éléments de ses œuvres, expression du mouvement, permanence du thème solaire quasi obsessionnel, présence du corps féminin, sexualité masculine, sang, violence et mort (les tauromachies), le combat permanent de la vie contre la mort… on trouve tout cela dans les œuvres d’André Masson qui voulait faire d’un tableau une « explication de l’univers ».

Jusqu’au 2 septembre de 10 à 18 heures du mercredi au lundi et de 10 à 19 heures vendredi, samedi et dimanche. On peut regretter le prix élevé du catalogue (40 €), mais c’est malheureusement une habitude française.

 

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