vendredi 12 juillet 2024

« La balle dans la nuque » : des journalistes menacés de mort par le site d’extrême droite Réseau libre

En octobre 2023, un obscur site fasciste appelait au meurtre de 180 personnalités, dont des professionnels de la presse, tous signataires d’une tribune pour défendre la liberté d’informer. Le parquet de Paris vient d’être saisi.

« La liste des candidats à la balle dans la nuque ». Sous ce titre, le site Réseau libre publiait, en octobre 2023, 180 noms. Journalistes, responsables politiques ou syndicaux, personnalités publiques : tous étaient signataires d’un texte rappelant, à l’occasion des états généraux de l’information, la nécessité de préserver une presse libre et indépendante et d’assurer son droit à travailler sereinement. « Les attaques contre les journalistes doivent cesser », s’intitulait leur appel, publié dans les colonnes de l’Humanité.

La liste noire et les menaces dont elle s’accompagne étaient passées inaperçues à l’époque. Un communiqué publié sur X (ex-Twitter) par Forbidden Stories, dont le directeur Laurent Richard est lui-même visé, a sonné l’alarme mardi soir. Depuis, la riposte s’organise.

Dès mercredi, au nom d’une quinzaine de journalistes, l’avocat Vincent Brengarth a saisi le parquet de Paris d’une plainte pour « menaces de mort » et « provocation de commettre un crime ou un délit ». D’autres avocats s’y attellent.

Des menaces répétées de la part de l’extrême droite

Des personnalités, découvrant leur nom sur la liste, prennent la parole. « Les menaces de l’extrême droite sur les réseaux sociaux sont quotidiennes, relate Fabien Gay, directeur de l’HumanitéIl ne faut pas s’y habituer. Il ne faut jamais minimiser ces choses-là. » Visé – ainsi que d’autres journalistes de la rédaction – par le site d’extrême droite, il a lui aussi décidé de porter plainte.

« On dénonce les journalistes. On les harcèle. On finit par les tuer, met en garde Dominique Pradalié. Ces menaces peuvent être extrêmement concrètes. » La présidente de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), qui représente 600 000 journalistes dans 140 pays, rappelle que 123 d’entre eux ont été assassinés dans le monde en 2023. Une « hécatombe » insuffisamment prise au sérieux.

Devant les Nations unies, un projet de convention destiné à lutter contre l’impunité des assassins de journalistes ne rencontre, pour l’instant, aucun écho. En France, où les menaces et injures visant des journalistes se multiplient, la justice est timorée. « Pourquoi les procureurs n’ouvrent pas d’enquête de leur propre initiative ? s’interroge Dominique Pradalié. Pourquoi ne font-ils pas de communiqué pour rappeler que la liberté de la presse est une priorité ? »

« La justice et la police doivent se mobiliser »

« L’année de l’attentat contre Charlie Hebdo, en 2015, cinq journalistes ont été menacés de mort sans qu’il ne se passe rien, se souvient-elle. Plus récemment, nous avons réclamé une protection pour des consœurs en Bretagne. Elles ne l’ont pas obtenue. » Interrogé hier par l’Humanité, le parquet de Paris n’a pas donné suite.

« La justice et la police doivent se mobiliser », estime Fabien Gay, qui insiste sur le « climat rance » qui accompagne la montée de l’extrême droite. Ainsi, depuis octobre, le site Réseau libre a multiplié les listes noires. Visant tour à tour des avocats, des personnalités politiques ou des journalistes, livrant parfois leurs adresses personnelles, il se dit à l’abri de toute poursuite. Et pour cause : son serveur est hébergé en Russie.

« Leur objectif est de nous mettre sous pression, analyse Fabien Gay. Les menaces font partie de leur ADN. » Pas question, pour autant, de les banaliser. « Si ces gens-là arrivaient au pouvoir, nous savons que nous serions des cibles de choix, poursuit le directeur de l’HumanitéMais, derrière nous, ce sont les syndicalistes, les étrangers, les femmes, les homosexuels qu’ils cherchent à invisibiliser. »

« Les confrères qui ne sont pas visés doivent eux aussi s’inquiéter, met-il en garde. Quand l’un de nous est touché, tout le monde l’est. Nous devons serrer les rangs. »

 

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