vendredi 26 juillet 2024

Santé : malgré des résultats en hausse, Sanofi se prescrit une amputation

Pour muscler sa rentabilité, la multinationale compte dans les prochains mois se séparer de sa filiale qui produit notamment le Doliprane. L’inquiétude est forte à l’usine de Lisieux.

Sanofi soulage… le CAC 40. Ce jeudi matin, la multinationale pharmaceutique caracolait en tête des cotations après avoir annoncé une hausse de plus de 5 % de son chiffre d’affaires semestriel et relevé sa prévision de bénéfice net par actions pour 2024. De quoi rassurer la Bourse parisienne, attristée par les résultats semestriels en berne de nos majors du luxe, du numérique ou de l’automobile.

Ses résultats sont d’autant plus alléchants pour les boursicoteurs que la société, qui sait gâter ses actionnaires, se trouve à l’orée d’une opération à 15 ou 20 milliards d’euros. Le 27 octobre 2023, un communiqué de la direction annonçait « l’introduction sur le marché réglementé d’Euronext Paris de son activité de Santé Grand Public ».

L’activité de Santé Grand Public sacrifiée en pleine pénurie de médicaments

Depuis, une autre voie est aussi envisagée pour cette filiale autrement appelée Opella : celle de la vente en direct. Selon Bloomberg, PAI Partners (fonds français gérant 28 milliards d’euros d’actifs, spécialiste en rachat financé par l’endettement de la société cédée), Advent (américain, 80 milliards de dollars d’actifs gérés) en lien avec le fonds souverain d’Abu Dhabi, ou Clayton Dubilier & Rice (américain, 57 milliards de dollars) se seraient manifestés cette semaine. Selon l’agence de presse financière, ces offres valoriseraient autour de 15 milliards d’euros cette filiale aux médicaments « best-seller » tels que Doliprane, Aspegic, Maxilase, Novanuit ou Lysopaïne et Maalox.

Depuis 2019, Sanofi s’emploie à rendre désirable Opella, à coups de réorganisation (décrochage de la maison mère ; division par deux du nombre de sites, productions resserrées sur la France, les États-Unis, le Japon, le Brésil et la Hongrie) et d’enjolivement (achat en 2023 de Qunol, spécialiste états-unien des vitamines et minéraux). L’entreprise à marier compte 11 000 salariés, dont 1 600 dans l’Hexagone (Gentilly, Lisieux, Compiègne), qui génèrent 4,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 1,2 milliard de bénéfice net.

En ces temps de pénuries de médicaments les plus basiques, l’opération a suscité le trouble en France. Début juillet, la banque publique d’investissement BpiFrance s’est manifestée, se disant prête à s’associer aux repreneurs. Sanofi, qui compte conserver une part minoritaire du capital, s’emploie à rassurer.

« Notre projet n’est en aucun cas synonyme de la fin du Doliprane en France », a souligné, ce jeudi, François-Xavier Roger, directeur financier, pour qui le but de l’introduction en Bourse ou de la cession demeure cependant de « sélectionner la meilleure option pour Sanofi et ses actionnaires dans les prochains mois ».

Des manœuvres financières qui « dégoûtent » les syndicats

Vu de Lisieux (Calvados), où les salariés produisent en 3 x 8 quelque 1,2 million de boîtes de Doliprane par jour et où 20 millions d’euros d’investissements sont planifiés pour sortir 140 millions de boîtes supplémentaires annuellement, ces grandes manœuvres financières « stressent », voire « dégoûtent ».

Élu CGT, Jean Nicolas traduit le sentiment dominant : « Du comptable au magasinier, de l’opérateur à l’informatique, personne ne s’est arrêté de travailler durant le Covid. Aujourd’hui, on est même plus rentables que le site indien parce qu’on est hyper-rapides. Et tout ça pour quoi ? Nous voir jeter en pâture. »

Le précédent EuroAPI ne les rassure pas. Mise en Bourse en 2022 par Sanofi pour officiellement favoriser son développement, la filiale spécialiste des principes actifs est au bord du gouffre. Une rallonge de 254 millions d’euros de la part de son ancien propriétaire et la suppression de 15 % de ses effectifs doivent relancer ses activités et son cours de Bourse proche de l’euro symbolique.

« Avec EuroAPI et Opella, Sanofi fait disparaître la partie chimie de synthèse. C’est 95 % des médicaments. En avril a été annoncé l’arrêt d’une bonne partie des recherches sur l’oncologie (cancer), rappelle Jean-Louis Peyren, élu CGT au comité économique et social central. Aujourd’hui, c’est tout pour le bio-vivant et l’immunologie. L’intérêt n’est pas celui du patient mais des marchés boursiers. Ce qui compte, ce sont les bénéfices. Et peu importe que le chiffre d’affaires baisse. » En s’amputant d’Opella, Sanofi espère voir sa rentabilité aller bien au-delà des 30 % presque atteints l’an dernier.

 

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