Les résultats sont à peine annoncés, dimanche 7 juillet au soir, que le chef de l’État tente d’euphémiser sa défaite. « Les Français n’ont pas répondu à la question posée : “qui doit gouverner ?” » fait savoir Emmanuel Macron à la presse. Le président de la République s’était attelé à répéter, pendant la campagne, qu’il n’existait aucune majorité alternative à la sienne pour gouverner le pays.
Les résultats, dans son esprit, confortent ce récit. De fait, les électeurs, s’ils ont placé le Nouveau Front populaire (NFP) légèrement en tête, ne lui ont pas donné une majorité suffisamment forte pour gouverner sereinement. « La situation est inextricable car personne n’a de majorité, résume le constitutionnaliste Benjamin Morel. Il ne sert à rien de faire comme si un acteur pouvait gouverner de manière hégémonique avec une majorité pléthorique. »
Avec 168 députés, le bloc présidentiel conserve une forte influence
À l’Élysée, on savoure donc l’essentiel. Ni le NFP ni le RN n’ont de majorité seul. La coalition présidentielle Ensemble non plus, du reste – les électeurs ont indiqué clairement qu’ils ne souhaitaient plus un gouvernement macroniste. Mais avec 168 députés (dont 102 pour Renaissance, 33 pour le Modem, 25 pour Horizons et 2 pour l’UDI), le bloc présidentiel conserve une forte influence et détient surtout une partie de la solution à la délicate équation parlementaire issue des urnes.
Si le macronisme originel, en tant que force verticale qui gouverne sans égard pour les contre-pouvoirs, est mort avec ce second tour, le chef de l’État garde donc la main. Pour l’heure, Emmanuel Macron a décidé de maintenir Gabriel Attal à Matignon pour « assurer la stabilité du pays », alors que le premier ministre était venu lui remettre sa démission, ce 8 juillet dans la matinée.
Combien de temps exactement ce gouvernement Attal prolongé pourra-t-il tenir ? Rien n’oblige Emmanuel Macron à un remaniement de son propre chef. Il faudra donc une censure contre Gabriel Attal. Et, ensuite, essayer de former un nouveau gouvernement qui ne serait pas à son tour renversé en quelques heures.
Coalition, alliance de circonstance, « majorité de projets » ?
Cela pourrait prendre un peu de temps. « On peut imaginer un gouvernement Attal qui reste pendant quelques jours, semaines ou mois, énumère Benjamin Morel. Avec une motion de censure qui ne passerait pas au moins pendant les jeux Olympiques, parce que le RN refuserait de la voter. L’autre option, c’est qu’on ait un gouvernement technique, avec des ministres seulement gestionnaires de la situation, le temps qu’une coalition émerge. »
De manière plus cynique, et à rebours du résultat qui appelle à ce que la gauche puisse diriger le pays, Emmanuel Macron pourrait être tenté d’additionner aux siens les députés LR non ciottistes. Au palais, on a sorti les calculettes : cela fait environ 228 sièges, si toute la droite suit. Toujours pas une majorité forte, mais de quoi griller la priorité à la gauche – à condition de confier son destin aux LR, qui, de fait, détiendraient les clés de cette hypothétique majorité libérale-conservatrice.
Déjà, certains y poussent, du côté du parti de droite comme de la Macronie : les députés Renaissance (ex-LR) Karl Olive et Mathieu Lefèvre, le maire LR de La Baule Franck Louvrier… Les cadres de LR semblent néanmoins exclure cette hypothèse. « Ce sera sans nous », a balayé Laurent Wauquiez.
Une alliance de circonstance avec le NFP apparaît à l’inverse hautement improbable – même en nommant un « modéré » issu du PS à Matignon ou en tentant d’en exclure la composante insoumise dans l’espoir de le fracturer. Comment imaginer que des élus de gauche puissent s’entendre avec des macronistes sur un même budget, qui sera le premier crash-test de la rentrée (peu importe qui est à Matignon), alors que les uns promettent une relance par la hausse des impôts et les autres l’austérité ?
Au mieux, les macronistes pourraient s’abstenir de censurer le nouvel exécutif de gauche dans un premier temps, lui servant de bouée de sauvetage, avant d’appuyer sur le bouton du siège éjectable au moment propice.
Emmanuel Macron ne se privera pas de jouer la carte du grand démocrate qui a, seul, redonner le choix au peuple avec la dissolution. Et d’imputer l’instabilité aux autres qui, même en dynamique, seraient incapables de bâtir les fameuses « majorités de projet », censées faire avancer le pays. Le général de Gaulle redoutait la chienlit. Emmanuel Macron l’aura organisée et espère encore en récolter les fruits.
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