Depuis mardi après-midi, une photographie de l’AFP fait le buzz sur les réseaux sociaux, et l’unanimité chez les défenseurs du mariage pour tous,
qui voient déjà en elle un des symboles du débat politique qui va
s’ouvrir. Sa viralité (l’auteur de ces lignes l’a vu être reprise sur 40
comptes Facebook, en trois heures, à partir du sien) est questionnante.
Pourquoi rencontre-t-elle un tel succès, l’AFP parlant même de plus de
1500 retweets en quelques heures?
Tout d’abord, le cadrage et la mise au point de la photo sur les deux jeunes femmes enlacées – rejetant les opposants au mariage pour tous dans le flou du second plan – tend à en faire les « héroïnes » de cette histoire graphique. Deux individualités courageuses opposées à la masse indistincte des manifestants. Héroïnes d’autant plus consensuelles que toutes et tous peuvent s’y identifier, spectateurs homosexuels bien entendu, mais hétérosexuels tout autant, les deux jeunes femmes correspondant aux canons attendus des normes hétérosexuelles (elles ont les cheveux longs).
Ce cliché, ensuite, fait fonctionner un ressort simple et efficace : celui de l’opposition entre émotion et raison, entre force de l’image et complexité du slogan. Les manifestants brandissent des pancartes et portent des revendications qui ne peuvent réellement exister, ni faire sens, dans l’instantanéité de la photographie. A ces motivations complexes et au registre du débat, les deux jeunes femmes opposent la simplicité immédiate de la représentation du désir : le baiser, l’étreinte. Elles introduisent, en même temps, de la vie et du naturel dans le rituel de la manifestation politique. D’un côté, des militants en position figée, tracts à la main ; de l’autre, deux girls next door exhibant sac à main et blouson de cuir. Le mécanique contre le vivant, qui l’emporte à l’applaudimètre ?
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