lundi 5 août 2024

Politique scolaire : il n’est plus temps de tergiverser !

Pour atteindre l'égalité sociale entre les élèves, collégiens et lycéens , il faut combattre les politiques néolibérales à l'oeuvre. La première solution passe par la gratuité totale de l'école. Par Paul Devin, président de l’Institut de recherches de la FSU

Il faut que nous arrêtions de tergiverser à propos de la politique scolaire. On peut débattre de bien des aspects de sa mise en œuvre mais il y a une question autour de laquelle il faut que nous cessions de louvoyer : voulons-nous que le principe cardinal de l’école publique soit la construction d’une plus grande égalité sociale ?

Alors il faut que nous refusions les ruses de la rhétorique néolibérale qui prétendent aménager les parcours scolaires en faveur de la réussite des élèves alors qu’ils visent une orientation toujours plus précoce et qu’ils la laissent s’organiser sur les principes d’un tri social. Le « choc des savoirs » ou la réforme du lycée professionnel procèdent des mêmes mensonges qui réduisent les parcours d’études pour asservir un part de la population scolaire aux seuls besoins du patronat.

Ensuite, il faut que nous refusions d’admettre que les progrès qualitatifs du système pourraient se dispenser de financements. Non ! L’accès égalitaire aux savoirs demande que soient réunies les conditions matérielles et donc budgétaires qui le garantissent. Et vouloir les économiser aujourd’hui nous coûtera cher demain !

La première de ces conditions est celle de la gratuité totale de l’école. On ne peut pas parler d’égalité si subsistent des difficultés matérielles qui viennent éprouver la scolarisation des plus démunis.

La seconde condition est le financement matériel de l’action scolaire à la hauteur de ses besoins pour disposer de lieux et de matériels d’enseignement permettant un confort de travail favorable aux apprentissages. Il faut en finir avec la persistance de lieux indignes d’une scolarisation ambitieuse et avec des choix budgétaires arbitraires et labiles qui nuisent aux études des élèves et au travail enseignant.

La troisième nécessité est celle de la ressource humaine. Promettre « un choc du recrutement » ne peut être crédible qu’aux conditions d’une substantielle augmentation des salaires et d’une notable amélioration des conditions de travail qui sont les vecteurs essentiels de l’attractivité. Pour permettre une démocratisation de la réussite scolaire, nous avons impérativement besoin d’une continuité de l’enseignement et d’une réduction des effectifs d’élèves par classe, donc nous avons besoin d’augmenter l’effectif enseignant et d’assumer les coûts nécessaires pour y parvenir.

La résolution des difficultés d’apprentissage, qui est une des clés essentielles de la démocratisation des savoirs, nécessite que nous retrouvions l’ambition d’une haute compétence pédagogique et didactique. Cela demande que nous retrouvions une formation professionnelle digne de ce nom. Cela demande aussi que le ministère renonce à une vision exécutive du métier (« ne réfléchissez plus… exécutez les procédures qu’on vous prescrit »). D’autant que l’indépendance du travail enseignant est indispensable pour préserver l’éducation d’une instrumentalisation au service des intérêts particuliers d’un gouvernement ou des volontés idéologiques d’un pouvoir. Une longue construction a élaboré la liberté pédagogique des enseignants et le statut du fonctionnaire pour permettre l’équilibre entre cette nécessaire indépendance et les obligations liées aux finalités d’intérêt général. Cet équilibre doit être restauré et protégé par la volonté collective.

La perspective d’un capital culturel dont la rentabilité se mesure, à terme et pour une minorité favorisée, par l’accès aux emplois les mieux rémunérés et les mieux valorisés produit des stratégies obsédées par la compétition. Il est temps de redonner à l’école des perspectives collectives qui relativiseront les mérites de la réussite individuelle, abandonneront les privilèges accordés à l’enseignement privé et chercheront une mixité sociale réelle dans tous les établissements scolaires.

Enfin, ce sont les contenus même de l’enseignement qui doivent être interrogés pour que l’école puisse permettre autant l’appropriation d’une culture commune que le développement d’un jugement critique capable de fonder l’exercice d’une citoyenneté libre et raisonnée et de construire la volonté déterminée de défendre les valeurs de la démocratie par le refus absolu du racisme, des inégalités de genre et des injustices sociales.

 

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